A l’occasion des 60 ans de la Mission de France

« UN MUR SÉPARE l'ÉGLISE ET LES FOULES QUI SONT AU CHRIST ! » Ces mots sont nés de la lucidité apostolique du cardinal Suhard, archevêque de Paris. Aux jours sombres de la guerre, l'Assemblée des cardinaux et archevêques fonde la Mission de France le 24 juillet 1941. Cette décision venait de loin dans l'histoire de France du profond des campagnes et des banlieues déchristianisées. Elle était attendue de ceux qui faisaient naître alors la Jeunesse agricole catholique (JAC) et la Jeunesse ouvrière catholique (JOC), de ceux qui œuvraient au renouveau biblique, et suscitait un puissant courant missionnaire au milieu du XX* siècle. Chemin faisant, après la « crise des prêtres ouvriers » et dans les tensions d'un monde en «guerre froide», le pape Pie XII donna à la Mission de France une constitution apostolique, le 1er août 1954. Cette constitution fut un bel acte de confiance envers l’épiscopat français. Un diocèse pas ordinaire au service des diocèses, pour que des prêtres vivent un ministère missionnaire en plein cœur de l'ordinaire de la vie.

Par fidélité à l'Évangile, une poignée de jeunes apôtres, saisis par l'ampleur d'un monde en mutation, ont revêtu la tenue de service des chantiers et des champs, des usines, des cuisines et des laboratoires.

Par fidélité aux Béatitudes, une poignée de jeunes apôtres, saisis par l'injustice faite aux pauvres et aux étrangers, ont retroussé leurs manches et rejoint bien d'autres bâtisseurs sur le chantier de la paix.

Par fidélité à l'Esprit de Pentecôte, une poignée de jeunes apôtres, saisis par les bouleversements dans l'histoire des nations, par le murmure interrogateur de l'incroyance et des autres traditions religieuses, sont sortis sur les chemins de la rencontre et du dialogue.

Dieu a tant aimé le monde qu'il a envoyé son Fils dans l'humble condition de Nazareth et de la Galilée, carrefour des nations. Dieu aime toujours autant ce monde si bien que l'Église puise dans cette grâce d'amour sa vocation prophétique à élargir sans cesse l'espace de sa tente Dans la communauté Mission de France d'aujourd'hui, des prêtres, diacres et laïcs sont habités par la passion de vivre l'Évangile dans la même proximité que Jésus a vécue avec les gens de son temps. Ils vivent, travaillent, prient et célèbrent la foi au milieu de réalités où le mur symbolique de séparation tient toujours, parfois bien loin de l'Église rassemblée. Ils n'entendent pas former une communauté « alternative» qui ferait nombre dans un diocèse, mais donner un signe authentique et clair : l'Esprit est à l'œuvre partout dans le monde. L'Esprit rend libre de se faire compagnons de route de femmes et d'hommes qui se tiennent à distance de Dieu. Les équipes de la Mission de France ne sont pas envoyées sur la base d'une spiritualité particulière ou d'un charisme propre à une famille religieuse. Elles le sont pour porter un ministère d'inquiétude missionnaire au service de toute l'Église. Il s'agit de donner le signe qu’il manquera toujours quelqu'un à la table eucharistique pour partager la faim du vrai pain et la soif du bon vin des noces.

Puisse l'Esprit qui renouvelle toutes choses, susciter toujours de nouveaux apôtres pour la mission. Puisse l'Esprit renouveler la fidélité de la Mission de France à rejoindre avec le Christ les foules séparées de lui, et à élargir sans cesse nos horizons.

+ Mgr Georges Pontier

Archevêque de Marseille Président de la Conférence des évêques de France

Préface de Documents Episcopats n°5/2014 « La Mission de France, 60 ans d’élan missionnaire »

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