Homélie du dimanche 24 août 2014

Isaïe 22, 19-23 ; Psaume 137 ; Romains 11, 33-36 ; Matthieu 16, 13-20

Est-ce que vous avez sur vous vos clefs ? Vérifiez-les donc ! Regardez-les une par une :

- Celle-ci, elle sert à quoi ? à ouvrir ou à fermer ? à permettre ou à interdire ?

- Qui a des clés, qui n’en a pas ? Qui a le pouvoir ?

- “Tu me passes tes clefs ?” A qui les prêtez-vous ? A qui les donnez-vous ?

Dans la première lecture, Shebna, le maître du palais du roi Ézéchias, est destitué au bénéfice d’Élyaqim. C’est une disgrâce comme il s’en rencontre à toutes les époques. Ce qui nous intéresse ce sont les paroles d’investiture adressées au nouveau fonctionnaire : “Je mettrai sur son épaule la clef de la maison de David : s’il ouvre, personne ne fermera ; s’il ferme, personne n’ouvrira.” Il s’agissait d’une clé très lourde, du genre barre de fer peut-être. Et la remise de cette clé de la ville fortifiée faisait partie des rites d’intronisation de l’homme de confiance qui avait été choisi.

Jésus, à Césarée de Philippe, reprend la même image pour confier à Pierre le pouvoir des clés : “Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux.” Pourquoi lui ? Sans doute parce qu’il est celui qui a su regarder Jésus autrement. Il a été le seul à voir plus que le visible en Jésus. Les autres ont cherché des réponses dans le passé. Les autres ont fait de l’étiquetage : Qui est le Fils de l’homme ? C’est Jean-Baptiste ou bien Elie, ou bien Jérémie. Ils ont fait un étiquetage bienveillant, positif, mais un étiquetage quand même : c’est du passé, du classement. Et quand une affaire est classée… ! Lui, Pierre, voit le présent et l’avenir. Il voit l’invisible. Il voit le possible de demain. Il voit le mystère de la personne. Il a le regard du respect, celui qui envisage au lieu de dévisager. Beaucoup de gens veulent toujours voir pour croire. Ici, il est clair que c’est parce qu’il croit que Pierre voit tout autre chose et voit beaucoup plus loin. “Heureux es-tu” de voir l’invisible, lui dit Jésus. Avec des gars comme toi, l’Eglise ne craint rien.

Rien ne sert d’avoir des clefs, si l’on n’est pas capable d’ouvrir, si l’on n’a pas, soi-même, une certaine capacité d’ouverture. Pierre est celui qui ouvre. L’Eglise doit être celle qui ouvre. Celle qui éveille les esprits à l’intelligence du mystère de Dieu, celle qui éveille les cœurs à l’accueil de la tendresse de Dieu, celle qui dégage les portes de l’espérance et du pardon. Celle qui, de ses mains fragiles, livre passage à l’Amour du Dieu Père, Fils et Esprit. Si nous sommes nous-mêmes proches de Dieu, nous pourrons devenir des passeurs.

“Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. En disant très fort que Jésus est le Christ, Pierre invite le monde entier à entrer dans sa foi. Mais il lui faudra passer par l’épreuve de sa fragilité, pour perdre l’illusion de propre solidité. On lit le jour des Rameaux, dans le récit de la Passion, le passage où Pierre se vante d’être solide : « Si tous viennent à tomber à cause de toi, moi je ne tomberai jamais. » (Matthieu 26, 33). Et on sait qu’il reniera. Et qu’il devra, au-delà des larmes de son reniement, redire humblement son amour : “Seigneur, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime.” (Jean 21, 17) Alors, et alors seulement, il saura affermir ses frères et leur ouvrir “la profondeur dans la richesse, la sagesse et la science de Dieu” comme Saint Paul le dit dans la seconde lecture. L’abbé Pierre disait : “Lorsque nous arriverons à la fin de notre vie, on ne nous demandera pas si nous avons été croyants, mais si nous avons été crédibles.”

L’Évangile d’aujourd’hui est l’Evangile d’un double baptême : - “Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant.” – “Tu est Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église.”

La rentrée approche. Et si on se préparait à traiter chacun comme il convient. Et si on se préparait à donner à chacun de ceux qu’on va rencontrer un nom d’avenir, un nom de ressuscité, sur lequel la mort ne pourra rien, un nom d’ouverture et non pas de classement et de fermeture. Le contraire de ce qui faisait crier un petit un jour : “Il m’a traité de tous les noms, sauf du mien.”

Toi, Seigneur, qui as ouvert les yeux des aveugles et les oreilles des sourds, donne-nous aujourd’hui la seule clé qui nous manque : celle qui ne verrouille pas, mais libère. Alors nous ouvrirons à tous les hommes les portes du Royaume.”

Robert Tireau, Prêtre du Diocèse de Rennes

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