Mourad Benchellali: "La radicalisation vient d'un sentiment d'injustice que la prison ne fait qu'alimenter"

Mourad Benchellali, ex-prisonnier à Guantanamo, était l'invité de BFMTV et de RMC vendredi 17 octobre 2014
Ce qu'il faut retenir de son entretien avec Jean-Jacques Bourdin :
"Le 11-Septembre a tout changé"
"Je suis parti à 19 ans en Afghanistan, en juin 2001. J'étais excité par le voyage, pour moi qui n'avait jamais quitté les Minguettes (un quartier de la banlieue lyonnaise), c'était aller sur les traces du film Rambo 3. Je n'allais pas pour me battre ou faire le Jihad", explique Mourad Benchellali.
"J'étais irresponsable et immature", assure-t-il désormais, regrettant "la souffrance infligée à sa famille et à sa mère".
"Il est très facile d'entrer en Afghanistan mais très difficile d'en sortir", assure-t-il. Une fois sur place, il intègre "un camp d'entraînement près de Kandahar durant 60 jours" et croise même Ben Laden venu "dire un discours". "Je ne parlais pas l'arabe mais et je ne le connaissais pas, mais je me suis rendu compte que c'était quelqu'un d'important car il y avait de l'excitation dans le camp".
Pour lui, ce dont il est important de se souvenir, c'est qu'à cette époque "personne ne connaissait Al-Qaïda et Oussama ben Laden. Tout a changé après le 11-Septembre" et l'attentat contre New York.
A sa sortie du camp où l'on formait des combattants prêts à rejoindre les Talibans, il parvient à s'échapper au Pakistan pour "rentrer en France" mais est "capturé par des villageois puis vendu aux Américains". Direction Guantanamo.
La détention: "il y avait des chiens pour nous intimider"
"On m'a torturé à Guantanamo", se souvient, très marqué, Mourad Benchellali. "J'y ai passé deux ans et demi pendant lesquels les journées étaient marquées par les interrogatoires. Trois fois, la police française est aussi venue m'interroger", explique-t-il. Ces "visites" ont été au coeur de son procès à son retour en France, puisque les services du renseignement ont agi hors cadre judiciaire.
Là-bas, "ça dépendait des équipes chargées des interrogatoires. C'était violent, j'ai pris des coups, il y avait des chiens pour nous intimider, j'ai passé des journées menotté à une barre de fer".
Mourad Benchellali raconte aussi avoir "appris la religion et le Coran" à Guantanamo. "C'était ma seule lecture" et "aujourd'hui je suis bien plus religieux, plus assidu aux prières".
Depuis, il a la couleur orange en horreur. Surtout, à son retour en France, il effectue 18 mois de détention où il croise "la radicalisation de près".
La prévention: "La radicalisation vient d'un sentiment d'injustice"
"Il y a une grande injustice dans la façon dont on lit mon histoire", juge Mourad Benchellali, rappelant qu'à l'époque de son "voyage", le grand public ne savait rien de ce qui se passait en Afghanistan. "On m'a traité comme un paria en France, j'ai été diabolisé, alors que l'on m'a invité en Suisse et en Belgique où j'avais l'impression que l'on me voyait comme une victime".
"Je m'identifie aux jeunes qui veulent partir faire le jihad en Syrie mais je tente de faire mon possible, en racontant mon histoire, pour les en dissuader", dit-il. Mais, selon lui, en France, on n'utilise pas les bonnes méthodes: "Retirer la nationalité à des jeunes qui ne se sentent pas Français renforce leur sentiment de rejet. En France, la seule méthode utilisée, c'est la répression policière. On manque d'humain. La radicalisation vient d'un sentiment d'injustice que la prison ne fait qu'alimenter".
Mourad Benchellali regrette aussi la stigmatisation dont sont victimes les musulmans en France. Mais, aujourd'hui, "je ne pourrais pas être tenté de me radicaliser car je m'en veux trop à moi".

Mourad a donné son témoignage dans un livre :

Voyage vers l'enfer

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