« La vie mêlée, lieu de la révélation chrétienne » Echo de la rencontre régionale de la Mission de France Normandie le 11 novembre 2014
11 nov. 2014Durant cette journée du 11 novembre les équipes de la Mission de France de la Province de Normandie étaient réunies pour partager leur réflexion à la suite de l’Université d’été 2014 de Lyon.
Voici le texte qui était proposé à nos échanges : « La vie mêlée, lieu de la révélation chrétienne » du Jésuite Etienne GRIEU.
« Dans notre religion, il n'y a rien de pur. Rien que l'on puisse opposer de manière franche et nette à un « impur » qui serait, lui, radicalement inapte à recevoir la visite de Dieu. Étonnant ? Pas du tout.
Le lieu naturel de la révélation chrétienne, c'est la vie mêlée : celle où tout est mélangé, où l'on ne comprend pas grand-chose, où l'on est souvent déçu, où l'on ne sort jamais tout à fait des malentendus et des tensions.
Jésus, le Galiléen, était en ces lieux-là comme un poisson dans l'eau et savait y reconnaître le don du Père.
C'est que la vie divine est bien autre chose, pour les chrétiens, qu'un morceau de Ciel tombé sur terre. Tout comme le récit biblique, elle passe par les hommes, y compris par leurs soifs, leurs tâtonnements et leurs erreurs. Rien d'étonnant, dès lors, que la « vie mêlée » soit son lieu de prédilection. Pour sentir en ouvrant ses mains la promesse d'une réconciliation, il faut avoir serré les poings ; pour se livrer à la parole heureuse, il faut savoir quel peut être le poids du silence ; pour entendre les appels comme une promesse, il faut connaître la tentation de rester sourd.
Dans l'icône de la résurrection, on voit le Christ qui, sans doute d'un grand coup d'épaule, a fracassé les portes du séjour des morts. C'est ainsi qu'il ouvre dans l'humanité un passage vers le Père : en faisant voler en éclats les verrous et les barres.
Du coup, tout ce qui nous divise, nous sépare, nous oppose, tout ce qui est injuste ou blessant peut être vu comme ce qui appelle le passage de Dieu.
Se tenir en ces lieux difficiles, c'est se porter à un rendez-vous en un endroit insolite, et signifier par sa simple attente qu'ici, une rencontre doit advenir.
Raisonner en ces termes conduit à élargir le spectre de ce qui sous-tend l'engagement des croyants.
Lorsque je prends au sérieux la vie de mon quartier, de ma commune, de mon entreprise, lorsque je me dépense pour une association ou une section syndicale, ce n'est pas seulement pour être au clair avec moi-même et réjouir ma conscience.
Loin d'être une simple question de cohérence et d'éthique, on peut y déceler aussi un rendez-vous d'ordre «sacramentel », un rendez-vous avec Celui qui sait trouver des passages là où l'humanité se complique. »
Etienne Grieu
« La vie mêlée, lieu de la révélation chrétienne » Projet n°296, janvier 2007
Question posée aux quatre témoins (Martine Bachelet, Guy Pasquier, Denis Chautard et Claude Simon) :
« Le texte se termine sur : « un rendez-vous d'ordre "sacramentel"».
Pourquoi cette expression ? Comment la comprenez-vous ? Selon vous, à quoi renvoie-t-elle ? »
Nous disposions de 5 minutes chacun. Je me suis efforcé de répondre en joignant une autre question posée à la fin de l’Université d’été : « comment rendre compte de la « Croix du Christ » au cœur de notre foi et de notre mission de baptisé, de prêtre ou de diacre ?
Voici le texte de mon intervention :
« Le sacrement c’est celui d’une « présence », présence du Christ ressuscité, présence de l’Esprit don du Père et du Fils. Ce sacrement c’est celui de notre salut : une présence qui bouscule les barrières et les frontières, qui nous libère et nous donne la Vie !
Pour nous chrétiens, le sacrement de notre salut c’est la CROIX de Jésus :
La croix n’est pas une exaltation de la souffrance ou de la mortification !
Mais la croix c’est un « croisement », c’est-à dire un choix, l’horizon de toute vie humaine en mouvement et en accomplissement !
Pour moi la croix c’est être confronté à l’égoïsme – à mon égoïsme - , aux préjugés – à mes préjugés - , aux enfermements – à mes enfermements, à la violence – à ma violence - , afin d’ouvrir (et de m’ouvrir à) un chemin de vérité, de justice, de liberté et d’altérité.
Mes propres échecs m’ont permis de découvrir une Présence et une force : celle de la Croix du Christ qui me guide aujourd’hui pour grandir en humanité.
D’autres échos de cette rencontre suivront…
Denis Chautard