Evangile du matin de Pâques : « la Vie est devant nous » !

Une porte doit être ouverte ou fermée, dit-on. Moi, je préfère celles qui demeurent ouvertes, grandes ouvertes, rien à cacher, tout est clair, pas de « messes basses ». Un horizon qui s'offre, qui appelle, qui fait respirer la vie, qui invite à aller plus loin. Une espérance qui nous dit que tout peut devenir possible, si on ouvre son cœur, son intelligence et aussi ses bras et ses mains. La vie n'est pas derrière nous, elle est devant nous.

Jean 20, 1-9

« Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin ; c'était encore les ténèbres. Elle s'aperçoit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court donc trouver Simon-Pierre et l'autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l'a déposé. »

Pierre partit donc avec l'autre disciple pour se rendre au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l'autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il s'aperçoit que les linges sont posés à plat ; cependant il n'entre pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau ; il aperçoit les linges, posés à plat, ainsi que le suaire qui avait entouré la tête de Jésus, non pas posé avec les linges, mais roulé à part à sa place.

C'est alors qu'entra l'autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit, et il crut. Jusque-là, en effet, les disciples n'avaient pas compris que, selon l'Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d'entre les morts. »

Du Fermé à l’Ouvert

Le tombeau était scellé. La mort semblait triompher. C'était à la fois un homme, Jésus, mais aussi son message, le Royaume dont il témoignait, qui étaient enterrés. Un Royaume qu'il avait commencé à instaurer par ses paroles et ses actes. Royaume de respect de toutes et tous sans discrimination. Royaume de frères et sœurs dans l'égalité. Royaume de justice, de pardon, de partage. Royaume de joie. C'est tout cela qui se trouvait enfermé dans la nuit du tombeau.

Et l'inouï se produit : la tombe est ouverte et vide. Où est-il ? La vie a triomphé de la mort. Dieu a ouvert ce qui était fermé. Et cette ouverture est pour nous le gage de la victoire sur tout ce qui nous enferme, de tout ce qui est mortifère : Dieu est de notre côté dans l'Ouvert. Et c'est depuis toujours que Dieu a pris le parti de l'Ouvert : Créer, recréer, ressusciter, c'est ouvrir.

Prendrons-nous le même parti ? Pour cela, une vraie conversion est nécessaire : la résurrection du Christ n'est pas quelque chose à croire comme on récite une formule, c'est quelque chose à vivre. Vivre ce que l'on croit, c'est répondre à un appel à vivre autrement. La foi est un engagement, une prise de position, un combat pour faire gagner la vie, pour faire gagner le royaume de respect, d'égalité, de partage, de justice, inauguré par Jésus. C'est vivre dans l'Ouvert.

Un des drames de l'histoire de l'Église, c'est de n'avoir pas su tirer suffisamment les conséquences politiques et sociales de la résurrection. La résurrection donne raison à Jésus, donne raison à ce qu'il a fait contre ceux qui l'ont crucifié au nom de fausses conceptions de Dieu, et parce que Jésus remettait en cause l'utilisation religieuse du pouvoir et voulait un royaume de justice. Au lieu d'en faire un formidable levier de résistance à l'injustice, elle a souvent servi à n'être qu'un article de foi qui renvoyait la justice à la vie après la mort, ne contestait aucun pouvoir, confortait une résignation. L'impossibilité d'une lecture sociale et politique de la résurrection s'explique par la résistance au changement mais aussi au fait que l'on vivait dans un monde qui semblait immobile : entre naissance et mort d'une personne, rien n'avait changé. Aujourd'hui, dans nos sociétés, entre sa naissance et sa mort une personne a pu voir et vivre de profonds bouleversements.

C'est pourquoi, la lecture sociale de la résurrection a plus de chance d'être reçue. La résurrection est bien l'espérance que nos vies sont faites pour l'éternité, que rien n'est jamais perdu pour Dieu, jamais fini pour Dieu, mais elle est aussi la certitude que Dieu ne se résigne pas à l'injustice, qu'il la combat à côté de ceux qui la subissent et la combattent. Comment faire pour que l'orthodoxie d'un énoncé de foi ne reste pas inopérante dans nos vies et nos sociétés ? « Il vit et il crut ».

Qu'y a-t-il à voir et à croire ? Hier et aujourd'hui ? Voir le Christ humilié et crucifié en toute personne humaine qui souffre, dans toutes les déshumanisations de notre monde. Voir la résurrection à l'œuvre en tout lieu, en toute action, en toute personne, en tout ce qui humanise notre monde. Croire en la résurrection, c'est sortir de ce qui est fermé pour ouvrir les chemins du possible.

Michèle JEUNET

Religieuse du Cénacle

Témoignage Chrétien

N°3628 DU 2 AVRIL 2015 page 4

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