Lettre de « démission » de mon ami Antoine, 53 ans, prêtre de la Mission de France !
22 juin 2015J’ai choisi de publier – avec son accord – cette lettre de mon ami Antoine, 53 ans, ordonné prêtre en 1998 à ses frères, prêtres de la Mission de France. Cette lettre témoigne d’un double attachement : attachement à « sa vocation de prêtre qu’il assume pleinement » et attachement à « son compagnon dont il a choisi de partager la vie ».
Cette lettre est courageuse et sincère. Personne ne peut être juge de son choix. Il nous invite à assumer les nôtres en vérité et en toute humilité !
« Avec un mélange de tristesse et de joie, je présente ma démission à mon évêque de la Mission de France.
Je vous avais dit que je n’honore plus l’engagement au célibat des prêtres. C’est une obligation que je n’approuve pas, mais que j’ai acceptée.
La part de joie de ce message, c'est que je partage ma vie avec Andy. Notre amour a peu à peu pris place au centre de ma vie, qui désormais s’organise autour de cette relation, et j’en suis heureux.
Les prêtres, par leur ordination, impliquent l'Eglise partout où ils vont. Être prêtre, ce n’est pas une affaire privée qui ne regarde que moi. Ça regarde ceux qui y ont mis un bout de leur cœur, un peu de leur confiance et de leur foi. D’une certaine façon ça leur appartient autant qu’à moi. Ma prêtrise ne m’appartient pas, mais j’en suis responsable. En conscience, je trouve plus honnête de présenter ma démission. Je choisi le terme de démission, parce que l’ordination ne s’efface pas… je suis – je reste prêtre. Ce qui peut prendre fin, c’est la délégation et l’envoi par l’évêque, au titre de la mission de l’Eglise.
Et pourtant, la prêtrise est pour moi un trésor. J’en ai beaucoup reçu, j’y ai beaucoup donné. Je ne suis pas modeste pour parler de ma façon d’être prêtre. J’ai la conviction de bien servir ce ministère, avec sensibilité, intelligence, originalité. J’ai conscience que cette démission est une perte pour l’Eglise, une perte pour mes frères prêtres, pour la Communauté Mission de France, et pour ceux pour lesquels je suis prêtre, pour ma famille, pour la communauté scientifique avec laquelle je travaille, pour ma communauté villageoise et paroissiale. C'est la part de tristesse de ce message.
Si mon évêque me disait : je te garde comme collaborateur, avec ta vie de couple avec Andy, je pense que j’accepterais.
La Mission de France est ma famille, la demeure dans laquelle je me sens bien, une famille, qui m’aime et que j’aime. J’aime ces visages d’hommes et femmes de la Communauté Mission de France, cette fraternité profonde, généreuse, engagée pour le monde et pour le Christ. C’est mon milieu chrétien depuis 28 ans, celui qui correspond à ma sensibilité et dans lequel je me sens en cohérence. Je n’ai pas l’intention de le quitter. Si l’on me demande de continuer à servir au Service Recherche Formation, je pense que j’accepterai.
La Mission de France m’a rendu attentif aux éloignés, ceux qui se sentent écartés de l’Eglise, attentif aux langages religieux inaccessibles pour les gens, aux questions qui ne rejoignent pas leur vie. Nous sommes prêtres pour recueillir, parfois pour susciter, un frémissement de désir de Dieu, de la part de ceux que nous côtoyons. Leur relation à Dieu, parfois bancale, tenant parfois plus de la piété que de l’évangile, il nous appartient de la recevoir, de la chérir, et de l’élever vers Dieu comme une pierre précieuse découverte en chemin.
Je suis très attaché à mes frères prêtres de la Mission de France. Très attaché aussi à la spécificité de la mission confiée à la Communauté Mission de France, à l’œuvre qu’elle accomplit pour l’Eglise et pour le monde. J’ai tellement reçu !
Je crains que certains ne disent : Comment n’avons-nous pas vu l’éloignement d’Antoine, avons-nous manqué de fraternité ? Je réponds : non, personne n’a manqué de fraternité à mon égard, au contraire, les signes d’amitié n’ont jamais manqué. Ce que je vis, je l’ai choisi. Personne ne peut se reprocher d’avoir manqué à la fraternité.
J’aurais voulu ne faire de peine à personne. C’est un vœu pieux. Une telle décision est forcément blessante. Il me semble qu’elle est nécessaire. »
Vendredi 19 juin 2015
Avec mon amitié
Antoine