Joyeuses Fêtes de Pâques 2016 : une méditation de Michel HUBAUT

Marc Chagall, La création de l’homme 1956-1958

Chaque fête de Pâques est l'occasion de se rappeler que la résurrection n'est pas ce qui doit arriver après notre mort, mais une réalité nouvelle qui commence aujourd'hui. Chacun de nous façonne, jour après jour, son visage d'éternité. Comme pour le papillon qui sort de sa chrysalide, il faut du temps pour que l'homme ressuscite, émerge de sa gangue de terre et devienne un fils de Dieu, un enfant de lumière.

Maurice Zundel se demandait souvent combien d'hommes et de femmes émergent consciemment de leur « moi » biologique préfabriqué pour devenir réellement des hommes vivants, des personnes libres et responsables de leur destin. Sans doute, toutes leurs potentialités spirituelles arriveront-elles, un jour, à maturité, mais probablement pas sur terre ! Il est inutile de chercher à imaginer ce que nous devenons après notre mort, si, en accueillant le Christ pascal, nous ne commençons pas dès maintenant à devenir des vivants.

Rappelons-nous que dans la tradition chrétienne il y a deux naissances. La première, biologique, que nous n'avons pas choisie, qui nous est donnée. Et une « seconde naissance », celle dont parle le Christ, quand il nous dit qu'il nous faut « renaître d'en-haut » par l'accueil et la croissance de son Esprit.

La résurrection est une victoire quotidienne sur les forces de mort. L'au-delà est une réalité déjà présente, intérieure à nous-mêmes. Cette vie nouvelle du Christ ressuscité doit devenir « l'au-dedans » de notre vie quotidienne. Se convertir, c'est sans cesse passer du dehors, de l'écorce superficielle des choses au « dedans », rencontrer l'intimité de Dieu au plus intime de nous-mêmes, lui qui est la vie de notre vie.

Rencontrer le Christ de Pâques, c'est déjà re-naître, c'est s'affranchir de toutes nos servitudes. L'homme qui accueille, jour après jour son amour vivant et créateur, devient lui aussi un vivant et un créateur. Notre avenir se joue dans notre réponse à cet amour victorieux qui s'offre gratuitement à nous. C'est ce don de nous-mêmes qui nous construit, nous structure comme homme, nous ressuscite comme fils de Dieu.

La résurrection, l'au-delà, c'est Dieu intime à nous-mêmes qui nous intériorise et nous libère du moi préfabriqué. Devenir un homme, une personne, sortir de son moi infantile, biologique, égocentrique et mortel, c'est rencontrer le Dieu vivant. Naître, c'est centrer toutes ses énergies pour aimer comme lui, faire de toute son existence un don de soi-même.

La Résurrection de l'homme s'enracine dans ce dynamisme de l'amour qui « humanise » notre moi biologique, nous fait « passer » du moi possessif, fermé sur lui-même, au moi oblatif. Celui qui naît à l'amour, par l'amour, devient immortel puisque l'amour est l'être même de Dieu. Cet amour est notre devenir. C'est lui qui personnalise et divinise l'homme qui, comme saint François, n'est plus terrorisé par la mort biologique, car elle n'est plus qu'un « passage » de notre liberté d'aimer à un autre niveau, d'une ampleur nouvelle.

Dieu nous a créés pour devenir des créateurs. Nous devons nous libérer de la pesanteur des déterminismes pour devenir le sanctuaire de la lumière et de l'amour. Telle est le mystère de la transfiguration chrétienne, qui est un mystère d'intériorisation, de personnalisation, de divinisation. Il s'agit de devenir véritablement un « homme » dont l'espace intérieur est devenu assez grand pour accueillir la vie même de Dieu. Et accueillir Dieu, c'est devenir un vivant qui possède en lui tout l'univers. L'immortalité n'est pas ce qui arrive après la mort, elle advient, aujourd'hui et maintenant, chaque fois que l'homme se dépasse pour aimer. C'est chaque jour que nous « immortalisons » notre vie. C'est chaque jour que nous ressuscitons un peu plus.

Voilà la nouvelle naissance à laquelle le Christ nous invite quand on atteint sa maturité spirituelle. Maturité qui entraînera aussi notre corps, car les énergies de l'amour vont aussi transfigurer notre corps, comme celui du Christ, libéré des contraintes de notre univers, sans être pour autant désincarné. Notre mort n'est pas un anéantissement, mais un mûrissement, un accomplissement, un passage -une Pâque- vers notre véritable identité.

Michel HUBAUT, Frère Franciscain

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