Migrants : message de Monseigneur Colomb pour les deux ans de l’appel du Pape à accueillir des migrants

Monseigneur Georges Colomb, évêque de La Rochelle et de Saintes, responsable de la pastorale des migrants pour la Conférence des évêques de France témoigne deux ans après l’appel du Pape François à accueillir des réfugiés dans « chaque paroisse, chaque communauté religieuse, chaque monastère et sanctuaire. »

Rappelons-nous ! Le 6 septembre 2015, le Pape François appelait « chaque paroisse, chaque communauté religieuse, chaque monastère et sanctuaire de toute l’Europe à accueillir une famille de réfugiés, à commencer par le diocèse de Rome». L’Écriture nous engage « persévérez dans l’amour fraternel, n’oubliez pas l’hospitalité, car c’est grâce à elle que quelques-uns, à leur insu, hébergèrent des anges ». Hébreux 13,3.

L’Église exprime depuis longtemps sa sollicitude envers les migrants et les réfugiés, mais cet appel du Pape a donné une nouvelle ampleur à son engagement, et de nouveaux groupes se sont mobilisés pour faire vivre une « culture de la rencontre » qui s’oppose à l’indifférence et refuse l’impuissance.

Le deuxième anniversaire de cet appel est une bonne occasion de présenter quelques-unes des initiatives ecclésiales concernant les migrants dans différents lieux de notre pays. Elles sont le reflet de centaines, voire de milliers d’autres actions, dans les grandes villes comme à la campagne dans de petits villages. Des communautés chrétiennes se sont engagées en mettant en commun leurs intuitions, leurs moyens, des chrétiens isolés et des hommes de bonne volonté en ont fait autant.

Accueillir, promouvoir, protéger, intégrer..

La diversité de ces témoignages montre bien que l’accueil est seulement le premier pas dans un processus plus large. Il s’agit « d’accueillir », mais aussi de « protéger, promouvoir et intégrer les migrants et les réfugiés », comme le rappelle le message du Pape pour la prochaine Journée mondiale du migrant et du réfugié, publié le 21 août dernier. En beaucoup d’endroits, les initiatives mises en place ont permis aux migrants d’avoir un toit et de se sentir enfin en sécurité. Les propos d’un père de famille syrien l’attestent « C’est la première fois depuis sept ans que nous pouvons dormir sans peur ». La mobilisation pour un hébergement et des conditions de vie dignes s’est accompagnée de l’organisation de cours de français, de la scolarisation des enfants, de liens établis avec les clubs de sport, de soirées conviviales ou encore de sorties culturelles pour connaître la région d’accueil et se familiariser avec sa culture. Ces initiatives et de nombreuses autres intuitions ont créé un lien social parmi  les autochtones, notamment dans le monde rural, en réunissant autour d’un même projet des personnes qui ne se côtoyaient pas forcément dans la vie quotidienne. Cette solidarité envers les Migrants a bien sûr suscité un esprit de vie fraternelle entre autochtones et étrangers accueillis. De nombreuses actions ont montré l’intérêt et les bienfaits des petits projets, initiés par quelques personnes pour un petit nombre de réfugiés accueillis. Ces microprojets ont  favorisé  une rencontre significative  entre les personnes au plan humain et parfois au plan spirituel.

Un nouvel ordre international fondé, non sur la conquête, mais sur la charité !

L’Église s’est mobilisée pour tous les migrants, quelle que soit leur religion. Parmi ces frères et sœurs accueillis,  les chrétiens représentent une minorité, mais une minorité riche de ses particularités, non seulement ethniques, linguistiques, mais aussi rituelles,  car la plupart des migrants chrétiens appartiennent  à d’autres confessions ou sont des catholiques de rite melkite, maronite… C’est une chance pour notre Église en France, car les chrétiens qui ont grandi dans d’autres cultures que la nôtre apportent leur contribution à notre annonce de l’Évangile (cf. Joie de l’Evangile, N° 116).

Quant à nos frères et sœurs d’autres religions, notamment les  musulmans, notons qu’ils se dirigent vers l’Europe, continent héritier de la tradition chrétienne.  Ce phénomène migratoire dont les principales causes sont la pauvreté et la guerre constitue bien sûr un grand défi pour notre Église aujourd’hui. Ne manquons pas le rendez-vous de la charité tout en respectant le travail de nos partenaires de la société civile et de l’état. Ne minimisons pas les difficultés que cela représente pour nos gouvernants et  gardons-nous de donner des leçons de morale. Toutes ces initiatives ont permis que l’accueil et la rencontre tracent un chemin pour avancer ensemble dans une diversité réconciliée. La dignité de chaque personne et la richesse de chaque culture sont reconnues.

Dans « Politique et société » (entretien avec Dominique Wolton), le pape François croit que l’Europe est capable d’intégrer les personnes accueillies. Il nous rappelle que, au plan existentiel, du fait de notre foi, nous sommes tous des migrants et que avant le droit d’émigrer, il y a le droit de ne pas émigrer dont parlait le pape émérite Benoît XVI. Pour cela, il faut trouver dans les pays de migration des sources de création d’emploi et savoir y investir. Le pape l’a répété aux nations Unies et au Conseil de l’Europe.

Le phénomène migratoire d’une grande ampleur auquel nous assistons de nos jours donne une mission à l’Europe qui a déjà relevé tant de défis. Le pape parle de sa situation démographique catastrophique et nous avertit « l’Europe peut perdre le sens de sa culture, de sa tradition. Pensons que c’est le seul continent à nous avoir donné une aussi grande richesse culturelle. L’Europe se retrouvera en retournant à ses racines et en cessant d’avoir peur de devenir l’Europe mère».  Ainsi le phénomène  migratoire invite l’Europe à la grandeur d’âme. Relevons le défi que l’ordre international demain repose non sur la conquête mais sur la charité !

+ Georges Colomb

Évêque de la Rochelle et Saintes

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