Incertitude, Certitude par Frère Yves COMBEAU, Dominicain

Soyons francs : l'épidémie est avec nous pour un moment. Nous avons peut-être cru que l'été venant, elle partirait sur la pointe des pieds. Elle n'est pas partie et nous déambulons tous avec des masques — et, en ce qui me concerne, de la buée sur les lunettes. Cette protection qui brouille ma vision est comme l'image de notre état moral. Je ne crois pas me montrer excessif en le résumant par un mot : incertitude.
Incertitude sur notre avenir. Ce n'est pas que nous manquions de courage, ni de dévouement, ni de capacité à tenir dans l'épreuve ; plutôt la récurrence de cette question : que faire ? Que penser ? Jusqu'à quand ? Et après ? Cela est vrai de nombreux domaines, la vie de l'Église comprise.
Bref : l'avenir est à peu près aussi clair que mes lunettes quand j'ai le masque sur le nez. Dans cette brume, quels repères ? Quels phares ? Ceux que Jésus a posés. L'Évangile nous ramène à l'essentiel : charité, foi, espérance. Voilà une certitude qu'aucune circonstance ne peut ébranler.
Charité, c'est-à-dire amour et service de l'autre, qui est notre frère, notre soeur, et spécialement de notre prochain, cette personne que Dieu a placée devant nous. Foi, c'est-à-dire confiance en Dieu qui tient ses promesses. Espérance, c'est-à-dire attente et désir du Salut, d'un mieux, d'un meilleur, d'un au-delà.
Ce n'est pas toujours facile. Nous le savons assez depuis que nous sommes adultes. La charité se heurte à cent obstacles, raison et foi se livrent toujours à leur vieille querelle dans la tête de beaucoup d'entre nous, et l'espérance... Eh bien ! C'est, je crois, de l'espérance que nous avons le plus besoin ces jours-ci. De cette audace tranquille qui fait dire aux personnages de l’Écriture : « Je sais que Dieu ne m'oublie pas ; je sais qu'il va venir ; je sais que mon salut est proche. » Ce n'est pas toujours facile, certes, mais c'est une certitude. Le Christ et ses témoins l'affirment. Saint Paul, qui a connu l'épreuve et la connaîtra encore, écrit dans la Lettre aux Romains « l'espérance ne déçoit pas » (Rm 5, 5), et elle ne déçoit pas parce qu'elle est fondée sur la mort et la résurrection du Christ. Le reste peut soulever des interrogations, jusqu'au désarroi, comme Paul le confie plus loin (Rm 7, 16-20), mais l'espérance, elle, demeure claire et solide :
« J'en ai la certitude : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les principautés célestes, ni le présent ni l'avenir, ni les puissances, ni les hauteurs, ni les abîmes, ni aucune autre créature - rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre
Seigneur ! »
La buée s'efface de mes lunettes. 


Fr. Yves Combeau, o.p.
Source : Bulletin du Jour du Seigneur n°221 page 12
 

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