Homélie du dimanche 6 mars 2022
27 févr. 2022Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 4, 1-13.
« En ce temps-là, après son baptême, Jésus, rempli d’Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ; dans l’Esprit, il fut conduit à travers le désert
où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable. Il ne mangea rien durant ces jours-là, et, quand ce temps fut écoulé, il eut faim.
Le diable lui dit alors : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain. »
Jésus répondit : « Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain. »
Alors le diable l’emmena plus haut et lui montra en un instant tous les royaumes de la terre.
Il lui dit : « Je te donnerai tout ce pouvoir et la gloire de ces royaumes, car cela m’a été remis et je le donne à qui je veux.
Toi donc, si tu te prosternes devant moi, tu auras tout cela. »
Jésus lui répondit : « Il est écrit : C’est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, à lui seul tu rendras un culte. »
Puis le diable le conduisit à Jérusalem, il le plaça au sommet du Temple et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, d’ici jette-toi en bas ;
car il est écrit : Il donnera pour toi, à ses anges, l’ordre de te garder ;
et encore : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. »
Jésus lui fit cette réponse : « Il est dit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. »
Ayant ainsi épuisé toutes les formes de tentations, le diable s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé ».
Homélie du 1er dimanche de Carême
La Parole est dans ta bouche et dans ton cœur
Nous voici au début de la période de 40 jours qui nous conduit de la grisaille des cendres jusqu'à la lumière éclatante de Pâques.
Où Jésus puise t'il la force de résister à celui qui veut le séparer de son Père ?
Dans la parole de Dieu.
Le démon, le diviseur s'adresse à Jésus par trois fois, mais à aucun moment Jésus n'entre en discussion avec lui. Ses trois réponses sont exclusivement des citations de l'Ecriture. En cela, il est bien l'héritier de son peuple ; à lui s'applique merveilleusement la phrase du Deutéronome que Saint Paul a reprise dans la lettre aux Romains : ''La Parole est près de toi, elle est dans ta bouche et dans ton cœur''.
Ses réponses sont toutes les trois extraites du livre du Deutéronome, ce livre écrit justement pour que les fils d'Israël n'oublient jamais que Dieu est leur Père. Voilà bien la préoccupation majeure de l’auteur du premier texte d’aujourd’hui : retrouver la mémoire, ne pas oublier les merveilles de Dieu. Et le rite d’offrande des prémices dont il est question est précisément vécu d’abord comme un geste de mémoire. ‘’Mon Père était un araméen vagabond’’; tout a commencé avec Abraham, choisi par Dieu pour devenir le père du peuple de l’Alliance. ‘’Puis le Seigneur nous a fait sortir d’Egypte, de la maison de l’esclavage… Il nous a conduits dans ce lieu et nous a donné ce pays, un pays ruisselant de lait et de miel’’. Alors le geste d’offrande prend tout son sens : ‘’Voici maintenant que j’apporte les prémices des produits du sol que tu m’as donné Seigneur’’. A notre tour, nous qui sommes témoins de la Nouvelle Alliance, nous reprenons un geste d’offrande au cours de la messe et nous reconnaissons dans les biens matériels que nous apportons le don de Dieu : ‘’Tu es béni, Dieu de l’univers, toi qui nous donnes ce pain’’. Il y a là simple reconnaissance que nous sommes intendants et non propriétaires de ce que nous appelons à tort ‘’nos’’ biens. C’est dans la mesure où nous comporterons réellement en intendants des richesses de ce monde que notre terre pourra devenir peu à peu une terre habitable pour tous.
Il est très intéressant de rapprocher l’Evangile du psaume qui le précède dans la liturgie de ce dimanche : ‘’Quand je me tiens sous l’abri du Très Haut et repose à l’ombre du Puissant, je dis au Seigneur : Mon refuge, mon rempart, mon Dieu dont je suis sûr’’. C’est très exactement l’attitude du Christ, au seuil de sa vie publique : il se tient tout simplement à l’ombre du Très Haut. La tentation serait de chercher d’’autres abris, d’autres sécurités. Et quand le Tentateur s’adresse à Jésus, c’est bien sur ce terrain qu’il se place. Par trois fois il essaye de distiller son poison : ‘’Si tu es Fils de Dieu, tu peux tout ce que tu veux. Tu es grand, tu peux bien faire ton bonheur tout seul. Dis donc à cette pierre de devenir du pain pour satisfaire ta faim immédiate. Use donc de ta puissance, pour toi et pour tous les affamés de la terre. Sois leur bienfaiteur, leur sauveur’’.
Jésus ne pouvait être insensible à cet appel. Un jour, pris de pitié, il multipliera les pains pour rassasier la foule affamée. Et la foule voudra le faire roi. La voix du Tentateur le poussait dans ce sens. Mais cette voix ne venait pas du fond de son être. Une autre voix résonnait en lui : Plus encore que de pain, l’homme a besoin d’amour. Ce qu’il cherche par-dessus tout, simplement pour continuer à croire en son humanité, c’est un regard qui lui parle avec une infinie tendresse.
''Ce n'est pas seulement de pain que l'homme vivra, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu''.
L'obsession de posséder, et ce qu'il y a de mieux... parce que je le vaux bien !
Le chemin est court jusqu'à la seconde tentation : être le premier, le plus brillant. Bref, dominer, occuper le haut du pavé ; finalement asservir, réduire les autres au rôle d'admirateurs.
La croix nous tiendra un autre langage : ''Si tu es le fils de dieu, deviens le serviteur de tous. Le premier n'est pas celui qui domine mais celui qui prend la dernière place''.
Quarante jours nous sont donnés pour mettre nos pas dans ceux de Jésus ; pour avancer dans la confiance, pour mettre chaque jour Dieu un peu plus à la première place.
Bonne route vers Pâques.
Louis DURET
Prêtre du Diocèse de Savoie