Homélie du Dimanche 22 septembre 2013
21 sept. 2013
Amos 8, 4-7 ; Psaume 112 ; 1 Timothée 2, 1-8 ; Luc 16, 1-13
« Vous ne pouvez pas servir Dieu et l’argent… »
Avec notre manie de moraliser il nous est sûrement arrivé de classer les gens : honnêtes / malhonnêtes ; purs / impurs ; bons / mauvais, et peut-être bien en nous réclamant de l’évangile. Ça nous fait des excuses évangéliques pour éviter de fréquenter tel ou tel. Eh bien c’est qu’on a mal lu l’évangile. Car Jésus a toujours pris la défense des pécheurs publics comme Zachée ou la Samaritaine, pas pour les justifier, mais pour les remettre debout. Aujourd’hui, c’est le comble : on dirait que Jésus dit du bien d’un malhonnête. En réalité, la pointe du texte (comme dans toute parabole il y a une pointe), c’est : “Soyez assez habiles pour être encore plus humains…” On aimerait bien que l’Evangile s’adresse aux malhonnêtes pour les redresser. Pas de chance, il s’adresse à nous, nous qui sommes déjà pieux et vertueux, pour nous inviter à être plus habiles pour être plus humains.
Jésus fait allusion apparemment à une tricherie qui a eu lieu peu de temps avant et qui est bien connue de son auditoire. Il n’a sûrement pas l’intention de nous enseigner à tricher avec le fisc ! Son enseignement est plutôt du genre : les enfants de ce monde sont très habiles ; vous qui prétendez être les enfants de Dieu, vous devriez être plus habiles encore. Vous devriez utiliser l’argent, non pas pour vous construire une super-sécurité-perso, mais pour construire un monde plus humain pour vous et pour les autres. Vous n’êtes pas les propriétaires de ce que vous possédez. Vous en êtes les gérants et vous devez gérer selon les besoins de tous.
Je me rappelle la réflexion de quelqu’un un jour qui se promenait sur un bord de mer… A la 4ème ou 5ème pancarte : “Propriété privée”, il s’exclame : propriété privée… mais privée de quoi au juste ? Vous n’êtes pas les propriétaires de ce qui vous possédez. Vous en êtes les gérants. Nous savons bien qu’il y a un grand désir de posséder en chacun de nous, et aussi dans le monde, dans les rapports individuels comme entre les nations ou les blocs de nations. Et quels que soient les responsables immédiats des événements terroristes qui ont pu survenir ces dernières années à New-York, à Madrid et ailleurs, nous ne pouvons pas ne pas voir que de tels événements sont le fruit d’une longue chaîne d’injustices dans les relations entre les nations.
Mais revenons à nous-mêmes. Notre monde est peuplé heureusement très majoritairement de gens droits et irréprochables. Et pourtant il y a des millions de gens qui souffrent d’injustices, de violences et de famines. Où sont les coupables ? Ils sont introuvables puisque presque tout le monde est honnête. Alors surgit la question de l’Evangile d’aujourd’hui : “Suffit-il d’être honnête pour être humain ?” Ils ont les mains pures, disait Péguy, mais ils n’ont pas de mains.
Et de fait, nous connaissons sûrement des gens (nous quelquefois) qui rusent avec le système pour aider untel à s’en sortir, des personnes qui ont bien compris le message de l’évangile :
- Ce jeune homme avec son sac à dos plein de médicaments non déclarés pour un pays du tiers monde. C’était de la fraude. Illégal ! Un peu comme le texte d’aujourd’hui.
- Cet enseignant : il y a une activité payante ; un enfant n’a pas d’argent. La légalité : pas d’argent, pas d’activité. Il dit : “l’enfant est premier : on s’arrangera.”
- Cet enfant qui était interdit de cantine. Et les copains lui passent à manger en fraude. Interdit.
Petits exemples qui ne sont pas du tout éloge de la malhonnêteté. Simplement ils font passer l’homme avant la loi, l’homme avant le Sabbat, la relation fraternelle, la solidarité, la communion avant la simple honnêteté qui, dans certains cas, est presque démission. Tous ces exemples sont le signe d’un réflexe le plus souvent acquis par une vie priante comme y invitait la lettre de Paul à Timothée : “Pour que nous puissions mener notre vie dans le calme et la sécurité en hommes religieux et sérieux.”
C’est la rentrée… Pas de meilleur souhait que de nous entraider à devenir plus grands, plus humains, c’est à dire plus près de Dieu.
Robert Tireau, Prêtre du Diocèse de Rennes