Le carnaval : La transgression en fête
13 févr. 2010
Comme la plupart des fêtes en Occident, le carnaval est né d'un syncrétisme entre célébrations religieuses et païennes. A l'origine, plusieurs festivités datant de la Rome antique : les
Bacchanales, des fêtes orgiaques nocturnes réservées aux femmes, les Lupercales, des fêtes de purification, et les Saturnales, festivités où les esclaves devenaient maîtres, et les maîtres,
esclaves. Célébrée en France jusqu'au XVIIe siècle, la Fête des fous, pendant laquelle le bas clergé remplissait le rôle du haut clergé, semble aussi avoir laissé son empreinte sur le carnaval.
La modification des rôles traditionnels se retrouve dans toutes ces célébrations : le temps de la fête, l'ordre des choses est inversé, le chaos est roi, la réalité quotidienne suspendue. Les
frustrations de la population sont expulsées, permettant de mieux rétablir l'ordre dès la fin des réjouissances. Ces fêtes au rôle cathartique s'avèrent indispensables au fonctionnement d'une
société. Pour Jean Duvignaud, sociologue, en tant que fête
d'opposition à l'ordre et aux pouvoirs, le carnaval s'inscrit clairement dans la lignée de ces "fêtes du dérèglement
tribal". En outre, le carnaval représente une des formes les plus totales de la fête, du fait de son
caractère comique : la "vérité du rire",
universelle, entraîne tout le monde. "On donne ici le signal que chacun peut être aussi déraisonnable et fou qu'il le souhaite, et qu'en dehors
des horions et des coups de couteau, tout est permis. La différence entre les grands et les petits semble abolie pendant un instant. (...) L'impertinence et la liberté réciproques sont contrebalancées par une bonne humeur générale." (1) Goethe décrit ici un carnaval de Rome dont on voit aisément la filiation avec les fêtes
païennes, une filiation qui ne serait complète sans l'incidence chrétienne.