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Que d’événements en deux mois à peine ! A Assise (Italie), le 27 octobre, le rassemblement d’hommes et de femmes de toutes les religions du monde et d’humanistes invités par Benoît XVI, 25 ans après le geste prophétique de Jean-Paul II, rassemblement précédé et suivi de multiples initiatives en France et à l’étranger ; à Amman (Jordanie) le 2° forum catholico-musulman, à la suite de « La Lettre des 138 » ;  à Lyon, le 1° forum islamo-chrétien en France, les 26 et 27 novembre. Au même moment, se déroulaient les premières élections libres en Tunisie, puis en Egypte, après des décennies de dictature. Mais quels échos les Medias ont-ils donné au grand public de ces différents événements ?

        Plus de mille personnes de différentes religions, juifs, musulmans, bouddhistes, chrétiens de différentes confessions, sikhs, ont marché ensemble le long du Rhône à Lyon ou à Evry d’un lieu de culte à l’autre, plusieurs centaines à Cannes, à Marseille, de la Défense et Puteaux (dans les Hauts de Seine) ou encore dans les rues de Paris, sans compter les veillées ou rassemblements comme à Paris sur le Parvis des droits de l’homme. Mais cela n’a pas fait « la Une » du journal de 20 h ou celle des quotidiens nationaux. La marche de croyants ensemble en pèlerins de la paix n’intéresse pas. Mais des propos ou des attitudes de religieux qui font peur sont largement répercutés.

        En Europe, nous ne mesurons pas assez ce que représente pour des millions de citoyens de Tunisie ou d’Egypte de pouvoir voter librement, de croire qu’un bulletin mis dans une urne peut avoir une réelle influence. Des résultats peuvent inquiéter, notamment le score de groupes salafistes, mais nous oublions qu’il a fallu un siècle en France pour passer de la monarchie à la démocratie. Sommes-nous capables de changer de regard vis-à-vis des peuples arabes, du chemin qu’ils débutent seulement vers la démocratie ? Acceptons-nous de faire confiance à nos frères et sœurs qui vivent là-bas, tels les évêques du Maghreb (cf. page 5) ? Comment faisons-nous pression comme citoyens pour que la France et l’Europe accompagnent ces premiers pas fragiles vers la démocratie, soutiennent l’économie de ces pays pour que les jeunes puissent y trouver du travail, même lorsque le sous-sol ne contient pas de pétrole ?

        Les relations interreligieuses ne peuvent pas se tisser en oubliant les enjeux économiques et politiques actuels. Elles ne seront solides et ajustées que si elles servent la justice et la dignité, en particulier celle des pauvres et des exclus. Il en va de notre fidélité à Dieu.

        Au Forum islamo-chrétien de Lyon, nous avons fait l’expérience que les liens de confiance tissés durant plusieurs années entre responsables chrétiens et musulmans permettent d’échanger dans la franchise et la fraternité à propos de la laïcité, des mariages mixtes, des aumôneries de prisons ou d’hôpitaux.

        A Bethléem, selon les Evangiles de Luc et de Matthieu, des bergers puis des mages venus d’Orient se sont laissés surprendre par la révélation inattendue de Dieu dans la naissance de Jésus. Puissions-nous recevoir ainsi le message de Noël comme une invitation regarder l’autre avec confiance et espérance pour accueillir la révélation de Dieu qui ne cesse de surprendre les hommes de bonne volonté !

Christophe Roucou

Directeur du Service des Relations avec l’Islam de la Conférence des Evêques de France

Lettre du SRI n°109, décembre 2011 

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