Le Père Georges ARNOLD est décédé le lundi 23 avril à l’âge de 96 ans

La célébration de ses obsèques a eu lieu le vendredi 27 avril à 10 h 30, en l’église Notre Dame du Rosaire, 65 avenue Gabriel-Péri, 93400 Saint-Ouen.

 

Georges ARNOLD 1922 – 2018 Prêtre du Prado  « au cœur des masses… »

C’est l’un des premiers Pradosiens du 93

J’ai entendu parler du Prado pour la première fois au Petit Séminaire de Paris, replié pendant la guerre, en 1941, à l’abbaye de Fontgombault. C’est le père Moisseron, supérieur du séminaire, qui nous a parlé du Père Chevrier, fondateur du Prado, comme d’un homme profondément « spirituel ». La forte spiritualité d’Antoine Chevrier, modèle du prêtre, a retenu mon attention.  Plus tard, au grand séminaire d’Issy-les-Moulineaux, en 1943, parmi les annonces de librairie, on nous a présenté « Le Véritable disciple de Notre Seigneur Jésus-Christ », l’ouvrage où le père Chevrier expose sa « doctrine spirituelle ». Et cet ouvrage a suscité un véritable intérêt chez d’autres séminaristes. Je me le suis procuré et j’ai commencé à le lire avec passion, car il représentait mon idéal de vie spirituelle et apostolique. 

Par ailleurs un petit groupe de séminariste s’est formé autour du  Tiers-Ordre franciscain. En faisaient partie plusieurs de ceux qui entreront au Prado. La pauvreté évangélique de saint François nous attirait. 

Sur ces entrefaites, en 1945, le Père ANCEL, supérieur du Prado, futur évêque auxiliaire de Lyon, est venu faire aux séminaristes de théologie une conférence sur l’Evangile. Il n’a pas parlé du Prado qui ne rassemblait alors que soixante-sept prêtres, tous à Lyon. Mais, en sortant de la salle, je me suis dit, avec un autre séminariste, Marcel AUBIGNAT, ou Paul DAIX, je ne sais plus : « « Je décide d’entrer au Prado. »

A l’été 1946, je me rends au Prado à Limonest, près de Lyon, pour un stage d’une dizaine de jours avec d’autres postulants. J’y rencontre le Père Ancel. Au retour j’écris au cardinal Suhard, archevêque de Paris, mon évêque, pour lui dire mon projet d’entrer au Prado. Il me répond positivement par retour du courrier.

Ordonné prêtre en 1947, je choisis de mettre cette phrase au dos de mon image d’ordination : « Servir les pauvres pauvrement. » Nommé en paroisse à Saint Maur-Joinville, je tiens à me rendre en vélo chaque mois à Argenteuil, où s’est établie une équipe du Prado. Le Père Ancel y participe régulièrement.

En 1952, je demande à effectuer mon « noviciat » à Lyon en vue de mon engagement définitif. J’y participe avec Pierre Chevallier. Désireux tous deux d’être nommés au retour dans la banlieue ouvrière, nous nous retrouvons à Saint Denis avec Gabriel de la Porte du Theil, où nous formons une équipe du Prado. »

Parcours de Georges ARNOLD

1947 à 1952 : Saint-Maur - Joinville 

1952 - 1953 : Lyon / Noviciat du Prado 

1953 : Saint-Denys de L'Estrée

Janvier 1955 à Saint-Denis Inondations : "L'Evangile par les pieds dans l'eau" 

Logement 18 Rue Brise Echalas 56 au milieu des travailleurs nord-africains 

1959 à 1967 : A Epinay : aumônier du Foyer du Nid  + "Vie libre" + Equipes Fraternelles 

29 juin 62 : Lettre au cardinal Feltin

1962 : En décembre, Rencontre avec Madeleine Delbrel 

1963 : Responsable Pastorale Nord-Africains pour diocèse de Paris 

1965 : Elu au Conseil Prado de France à l’été 1965

1967 : Permanent Prado de France 

1971 : Participation au lancement et accompagnement de l'équipe PO des BTP  (Bâtiments    Travaux Publics) : Prado  avec la Mission de France 

1973 : Elu responsable du Prado France après Pierre Homery (70 PO pradosiens) 

1977 à 83 : A Lyon, élu responsable général du Prado avec Roger Servy et JYves Ollivier, après Pierre Berthelon 

1983 : Saint-André de Bobigny et Tous les Saints

1984 : Création Journal mensuel de "Les Uns et les Autres" puis "Info Eglise 93" 

1989, : Paroisse Saint-André de Bobigny

1994 à 2011 : Coopérateur à la paroisse de Saint-Ouen

Témoignage de Georges ARNOLD :

« Au cœur des masses,  en suivant Jésus-Christ de plus près… »

« Le message d’une vie, c’est cette vie elle-même »

Une visite va avoir des répercussions sur Georges Arnold : celle que l’abbé Jean Rodhain vient faire aux séminaristes dans les premiers mois de l’année 1943. Avant-guerre, l’abbé Rodhain a fait partie de l’équipe des aumôniers de la JOC-JOCF et a été l’un des organisateurs du rassemblement de plusieurs dizaines de milliers de jeunes travailleurs au parc des Princes en juillet 1937.

Georges lit des ouvrages de l’abbé Henri Godin, l’un des inspirateurs de la JOC, notamment « France, pays de mission ? » Les auteurs lancent un appel à l’esprit missionnaire pour conquérir le prolétariat. Pour cela, il faut des « missionnaires qui doivent se faire peuple avec le peuple. »

A la suite de son expérience en usine, Georges se sent solidaire du monde ouvrier : « Il y avait toute une mystique de la présence au monde. En usine, je m’étais dit : j’ai un monde à découvrir. J’en suis loin. Et ce sont ces gens-là que je vais retrouver dans mes paroisses de banlieue… »

Les nouveaux prêtres craignent particulièrement d’être nommés pions ou préfets de division dans les grandes écoles catholiques comme le collège Stanislas ou le collège Albert-de-Brun à Nogent sur Marne. Les jeunes prêtres sont alors nombreux et leur utilisation dans ces établissements est donc très économique ! 

Nommé en 1947 à Saint-Maur des Fossés dans un quartier populaire, il est nommé aumônier JOC. La devise du mouvement, sa mystique, est « Sois fier, ouvrier ! Nous referons chrétiens nos frères. »  Il se lie d’amitié avec des prêtres ouvriers envers lesquels il éprouve de l’admiration. 

A Saint-Maur, il lui arrive de souffrir de l’anticléricalisme. Le port de la soutane déclenche parfois des manifestations d’hostilité. Quand il doit prendre le métro ; il se fait « couaquer » ! Sur son passage, il entend imiter le corbeau ou bien crier : « Sale curé ! »

En 1952, il fait son noviciat au Prado à Lyon : le maître des novices est le père Antoine Goutagny qui deviendra ensuite aumônier nationale de l’ACO… Il leur fait partager son amour du monde ouvrier, l’histoire de la JOC, de l’ACO dont il leur transmet la théologie.

En juillet 1953, Georges est nommé à St Denys de l’Estrée en compagnie de deux autres pradosiens, Pierre Chevalier et Gabriel de la Porte du Theil. Georges se voit attribuer le quartier de la gare, avec la rue du Port qui descend vers la Seine. Très vite, il y découvre les logements insalubres, les usines de produits chimiques qui bordent la Seine et exhalent leurs puanteurs. Sur la Seine, des femmes lavent leur linge sur des bateaux-lavoirs…Saint Denis est alors une ville où le parti communiste est très fortement implanté. « Je ne pouvais pas ne

pas être frappé à mon arrivée en constatant une fois de plus, mais là plus qu’ailleurs, l’importance du fossé qui sépare l’Eglise de la classe ouvrière. » Il ne tarde pas à se rendre compte que bon nombre de catholiques sont éloignés des réalités de la vie des quartiers populaires. D’un autre côté, des chrétiens de la paroisse de l’Estrée, qui sont des travailleurs, anciens militants de la JOC, cherchent leur voie…

La population du quartier est composée de travailleurs dont bon nombre d’Algériens, ouvriers en usine. Il veut se rapprocher de plus en plus du monde ouvrier et envisage de devenir prêtre-ouvrier sans pour autant abandonner la paroisse. Mais, en septembre 1953, le pape Pie XII a interdit les prêtres-ouvriers et ils doivent quitter leurs lieux de travail le 1er mars 1954.

Durant l’hiver 1954-1955, une crue de la Seine inonde les quartiers qui en sont proches et leurs misérables habitations. Le niveau de l’eau atteint jusqu’à un mètre vingt. (A Paris, le 23 janvier, la Seine avait atteint 7, 24 mètres)…Durant tout ce mois de janvier 1955, on ne se déplace plus qu’en barque… Avec des militants communistes et des chrétiens, Georges les pieds dans l’eau, participe au secours des habitants, pour tenter de sauver leurs pauvres meubles : « Les inondations de janvier 1955 me donnèrent l’occasion de me mettre au service des gens très simplement. J’ai ainsi connu beaucoup de monde de façon très naturelle, en déménageant les lits et les armoires, les pieds dans l’eau. J’entends encore quelqu’un me dire avec une naïve surprise, qui en dit long sur l’opinion des gens à l’égard du prêtre : « Ah ! c’est un curé et… il travaille ! »

A partir de 1971, Georges participe, en tant que représentant du Prado, au lancement et à l’accompagnement de l’équipe des prêtres-ouvriers du Bâtiment et des Transports publics, aux côtés de prêtres de la Mission de France, Noël Le Saout et Gilles Couvreur. Cet engagement va se poursuivre durant une dizaine d’années. Les prêtres-ouvriers du BTP sont une vingtaine.

Fin janvier, il rend hommage à la mémoire d’Alfred Krumnov, appelé le plus souvent Fredo, qui vient de décéder. Militant ouvrier, chrétien, ancien permanent de l’ACO, habitant St Denis, Fredo Krumnov était une des figures marquantes de la CFDT de ces années-là : « J’aime les militants, ces hommes et ces femmes qui ne se résignent pas à l’état présent des choses, où trop souvent le plus fort écrase le plus faible. J’aime ces hommes et ces femmes qui veulent vivre debout, qui refusent de se débrouiller chacun pour soi ou pour leur seule famille, qui travaillent avec désintéressement à faire un monde nouveau. Cette lutte est « exaltante » aux deux sens du mot. Elle est passionnante et elle grandit l’homme. Certains se durcissent parfois dans cette lutte difficile. Mais j’en connais tellement que le souci permanent des autres humanise, purifie, approfondit ! Pour cela, il faut que la source soit pure, que l’action coule d’une foi, comme un fleuve naît de sa source. Fredo était de ceux-là. Il croyait en l’homme. Il croyait en Dieu. Il croyait en l’Amour. Il croyait que Dieu est Amour. »

Lors de la fête de ses 50 ans de ministère, il résume ces longues années de compagnonnage avec le monde ouvrier : « Si je me remémore ces 50 ans d’existence au service de l’Evangile, un mot peut suffire : le DIALOGUE. Dialogue à l’air libre avec toutes sortes de personnes et de groupes : travailleurs de ma banlieue, élus de nos villes, marxistes convaincus ou non, athées militants ou non, exclus en tout genre (victimes de la prostitution et de l’alcoolisme, sans papiers, sans droits) , croyants musulmans, et enfin, bien sûr dialogue permanent avec mes frères chrétiens.

Extrait du Livre  "Un témoin, Georges Arnold, prêtre du Prado"                                                     Editions Desclée de Brouwer

 

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