Homélie pour les obsèques d'André Blervaque, prêtre de la Mission de France

 « Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi je demeure en lui. »

La célébration de l'Eucharistie a été le sommet de la vie chrétienne d'André. C'est sans doute une évidence de dire cela pour un prêtre, mais André l'a porté à son paroxysme.

« La vie des justes est dans la main de Dieu... Ce qu'ils ont eu à souffrir était peu de chose auprès du bonheur dont ils seront comblés, car Dieu les a mis à l'épreuve et les a reconnus dignes de Lui. »

André a connu des souffrances qu'il a longtemps cachées et dévoilées par petites touches lors de l'intimité de certaines rencontres. Il s'est ainsi construit une carapace qui l'a mis à distance de beaucoup de ses confrères.

Voici à travers deux textes extraits du livre de la Sagesse et de l'Evangile selon St Jean les deux grandes caractéristiques d'André, homme complexe et attachant, homme paradoxal qui s'est coupé de certains et fortement liés à d'autres.

Le livre de la Sagesse dont nous avons entendu un extrait dans la première lecture est une réflexion sur le sens de la vie. Il y a parfois des blessures qu'on peut trainer toute sa vie. Il y a des souffrances qu'on peut essayer de cacher en se mettant à part, en enfouissant ce mal au plus profond de notre être. On est alors comme André en déficit de relation avec ceux qui devraient être les plus proches. Mais cela ne l'a pas empêché d'être apprécié de ses voisins musulmans, estimé dans cette cité de Nétreville où il a passé près de quarante ans, attendu par les personnes des EHPAD où il a été envoyé en mission.

Dans ses relations André est toujours allé droit au but, sans fioritures. Cela l'a mis en porte à faux avec beaucoup mais cela lui a aussi ouvert les portes des plus humbles, ceux qui ne cherchaient pas à lui imposer quoi que ce soit.

Malgré les difficultés de sa vie, il a toujours conservé l'Espérance, cette espérance chrétienne d'un Dieu qui nous a fait à son image et à sa ressemblance. Il a beaucoup cherché, beaucoup lu, beaucoup écrit.

Je me souviens de discussions passionnantes sur sa compréhension des textes bibliques, sur l'exégèse qu'il faisait lors de nos partages en équipe Mission de France. Le revers de la médaille était son intransigeance sur le mot juste, sur la virgule mal placée.

André était un intellectuel. Pas toujours très pédagogue il faut bien l'avouer mais comment pouvoir désavouer celui qui s'appuyait sur de grands théologiens pour affiner sa pensée.

Le discours sur le pain de vie dans l'Evangile selon St Jean vient illustrer le grand amour d'André pour l'Eucharistie.

Célébrer l'Eucharistie n'avait pour lui rien de plus fort. Cette célébration était codifiée et rien ne pouvait s'écarter du rituel. Ce qui l'amenait parfois à faire des réflexions à voix haute quand quelqu'un (un de ses confrères prêtres ou un autre baptisé) se permettait une petite incartade.

L'unité de la liturgie eucharistique ne souffrait pour lui aucun écart. Il lui est arrivé de ne pas célébrer avec nous lors de rencontres de la Mission de France, par ce que le cadre était changé

L'Eucharistie ne devait être célébrée qu'une fois par jour. C'est ainsi qu'il ne célébrait pas avec nous dans nos rencontres d'équipe lorsqu'il avait une présidence d'Eucharistie à assurer dans la journée avec une autre communauté.

Tout cela nous redit la rigueur de sa vie dans toutes ses dimensions. Une rigueur qu'on ne peut blâmer mais qui a souvent était la source de petits différents, voire de grandes cassures.

Mais je voudrais aussi m'exprimer sur la grande fraternité que nous avons vécu avec lui au cours de ces nombreuses années à Evreux.

André était aussi un bon vivant, généreux, appréciant la bonne chère. Il apportait volontiers une bonne bouteille, un pot de foie gras pour partager avec nous en équipe.

Il avait certes des « coups de gueules » qui nous mettaient mal à l'aise mais aussi des témoignages de rencontres simples et amicales.

André, ce matin, tu ne peux pas me dire d'arrêter, ni me reprendre si j'ai employé un mot inadéquat. Aussi je m'arrête de moi-même en me tournant vers ce Dieu d'amour que tu as cherché à mieux connaître toute ta vie. Je reprends pour cela les mots du psaume

« Seigneur, Toi qui es bon et qui pardonnes, plein d'amour pour ceux qui t'appellent, écoute ma prière Seigneur, entends ma voix qui te supplie. »

Amen

Eglise Sainte Thérèse de Nètreville, lundi 7 octobre 2019

 

Max DUBOIS

Diacre de la Communauté Mission de France

 

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