En Hongrie, le plaidoyer du pape François pour la « diversité »
13 sept. 2021Le pape François arrive pour célébrer une messe à la fin du Congrès eucharistique, le 12 septembre 2021, à Budapest, en Hongrie. Gregorio Borgia/AP
Reportage
Durant la première journée de son voyage en Europe centrale, dimanche 12 septembre à Budapest, le pape François a exhorté ses interlocuteurs à être à la fois « enracinés » et « ouverts ». Il s’est notamment entretenu avec le premier ministre, Viktor Orban, dont les convictions sur l’accueil des migrants sont à l’exact opposé des siennes.
« Jésus nous secoue, il ne se contente pas de déclarations de foi ! ». Devant la foule silencieuse réunie sous le soleil sur la place des Héros, à Budapest, le pape François poursuit : « Il nous demande de purifier notre religiosité. » En clôturant, dimanche 12 septembre, le Congrès eucharistique international organisé dans la capitale hongroise, au premier jour d’un voyage qui devait le mener quelques heures plus tard en Slovaquie, le pape a adressé un message clair aux catholiques hongrois. Qui pourrait se résumer ainsi : il ne suffit pas de se dire catholique, encore faut-il se laisser « conduire » par Jésus.
→ À LIRE. Congrès eucharistique à Budapest : le rendez-vous des plus hautes figures de l’Église François a ainsi exhorté les 100 000 fidèles qui l’écoutaient à ne pas réduire le christianisme à « la défense de notre image », mais à en faire un « décentrement libérateur ». Des mots prononcés juste après avoir rencontré le premier ministre hongrois Viktor Orban, dont les convictions sur l’accueil des migrants sont à l’exact opposé des siennes. « J’ai demandé au pape de ne pas laisser se perdre la Hongrie chrétienne », avait d’ailleurs écrit sur Facebook le chef du gouvernement après cette entrevue formelle de 40 minutes.
L’accueil des migrants n’a pas été abordé
Au cours de cet entretien, décrit comme « cordial » par le Vatican, Viktor Orban a remis à François une copie d’une lettre envoyée en 1250 par le roi Béla IV à Innocent IV. Dans cette missive, le roi hongrois suppliait le pape d’alors de l’aider face aux invasions tatares qui menaçaient la Hongrie chrétienne. Le choix, ne devant rien au hasard, a alimenté la chronique de ce rendez-vous attendu et commenté, à Rome autant qu’à Budapest, depuis des semaines.
→ REPORTAGE. « C’est une douleur qu’il ne reste pas plus longtemps » : dans la foule venue accueillir le pape François En Hongrie, le pape n’a jamais directement abordé l’accueil des migrants, mais il a fait plusieurs allusions claires à la nécessité d’accueillir l’autre, tout en assumant « des racines » chrétiennes. « La croix, plantée en terre, en plus de nous inviter à bien nous enraciner, élève et étend », a martelé François lors de l’Angélus qui a suivi la messe, avant d’encourager ceux qui l’écoutaient à être « ancrés et ouverts, enracinés et respectueux ».
À plusieurs reprises, il a également vanté les mérites de la diversité dans la société. Ce fut le cas devant les évêques de Hongrie. « La diversité fait toujours un peu peur », a-t-il concédé. Une peur devant laquelle il ne faut pas céder. « Devant la diversité culturelle, ethnique, politique et religieuse, il est possible d’avoir deux attitudes, a-t-il soutenu, « nous fermer dans une attitude de défense rigide de ce que nous appelons notre identité, ou nous ouvrir à la rencontre avec l’autre et cultiver ensemble le rêve d’une société fraternelle ».
« Relents de haine »
Pour appuyer son appel à la fraternité, le pape François a largement fait référence au passé de la Hongrie, et en particulier à la situation des communautés juives. Si les 75 000 à 100 000 juifs y vivant entretiennent aujourd’hui de bonnes relations avec le gouvernement en place, qui a soutenu la construction de plusieurs synagogues, ils restent très profondément marqués par la Shoah. Entre mai et juillet 1944, 440 000 juifs ont en effet été déportés vers les camps d’extermination – « l’abîme le plus obscur et dépravé de l’humanité », a affirmé le pape —, dont les écrivains Elie Wiesel et Imre Kertesz furent rescapés.
Or, a rappelé le pape devant les responsables religieux, juifs et chrétiens, il faut tirer pour aujourd’hui des leçons de cette histoire dramatique. « Chaque fois qu’on a eu la tentation d’absorber l’autre, on n’a pas construit mais on a détruit », a-t-il insisté.
→ À LIRE. En Hongrie, l’avertissement du pape François contre l’antisémitisme Aussi François a-t-il condamné les « relents de haine » qui veulent « détruire » la fraternité. « Je pense à la menace de l’antisémitisme, qui circule en Europe et ailleurs. C’est une mèche qui doit être éteinte. » C’est pourquoi, a poursuivi François, les responsables religieux doivent être « des racines de paix et des ferments d’unité », afin d’« aider nos contemporains à s’accueillir et à s’aimer ».Un programme exigeant.
Loup Besmond de Senneville (envoyé spécial à Budapest, Hongrie)