En Algérie, Bernard Cazeneuve salue à travers Mgr Vesco une « Église citoyenne »

En visite à Alger, le premier ministre a remis la légion d’honneur à l’évêque d’Oran.

Dans son discours, très personnel mais non dénué d’humour, il a salué la variété de ses engagements et son attachement à « cette terre » algérienne.

Une Église « réfractaire à tout prosélytisme » et orientée vers « les plus démunis, notamment vers les migrants sub-sahariens et vers les malades ». Une Église qui souhaite « connaître et comprendre la société algérienne, ses combats, son histoire sa culture ». Une Église qui « se veut profondément ’citoyenne’ », et le prouve à travers ses bibliothèques...

En remettant à Mgr Jean-Paul Vesco, évêque d’Oran, les insignes de la légion d’honneur mercredi 5 avril, Bernard Cazeneuve lui a témoigné « la reconnaissance de la République » pour son action « continue en faveur du dialogue interreligieux, entre islam et chrétienté, qui coexistent depuis si longtemps en terre d’Algérie ».

Église de courage, d’amour et de paix

À travers lui, c’est, avec des mots très forts, à toute l’Église d’Algérie qu’il a souhaité rendre hommage : « Église de courage, d’amour et de paix », contribuant « au rapprochement de nos deux pays à travers la propagation des valeurs de tolérance et de respect »...

Le premier ministre français a choisi de profiter d’une visite de deux jours en Algérie – axée sur le renforcement des partenariats économiques et de la lutte antiterroriste – pour remettre cette distinction à l’évêque d’Oran, qu’il connaît et apprécie pour l’avoir rencontré à deux reprises. « En décembre 2014, lors d’une visite à Oran, sur la terre natale de mes parents », a rappelé Bernard Cazeneuve, qui avait alors découvert le chantier de restauration de l’église de Santa Cruz, sur les hauteurs de la ville. Puis en octobre 2015, à Rome, pendant le synode sur la famille.

« J’aurais des scrupules à faire le récit de votre vocation. D’abord parce qu’il s’agit d’un sujet très intime ; et aussi parce que l’on m’en a livré deux versions différentes. (...) Comme quoi, il est certains aspects de la vie de nos concitoyens que même un ancien ministre de l’Intérieur ne peut se flatter de connaître avec certitude. Il y a là quelque chose de rassurant, me semble-t-il, en ces temps où l’on redoute l’existence de ’cabinets noirs’ », s’est amusé Bernard Cazeneuve, en référence aux accusations portées par François Fillon contre l’entourage de l’actuel président de la République...

Silence de l’opinion publique internationale

Dans un discours très personnel, le premier ministre a rappelé les différentes étapes de la vie de l’évêque d’Oran : « avant de trouver la vocation du sacerdoce », lorsqu’il travaillait dans un cabinet d’avocats parisien spécialisé dans le droit des affaires, « clin d’œil du destin, ou signe de la Providence », voisin du couvent dominicain de l’Annonciation.

Lors de son arrivée en octobre 2000 en Algérie où « l’Ordre dominicain veut refonder une présence après l’assassinat de Mgr Pierre Claverie », et alors que « l’Algérie vit des heures sombres ». « Le fléau du terrorisme frappe ce pays et je sais que cette épreuve aura été d’autant plus cruelle qu’elle aura été subie, bien souvent, dans le silence d’une opinion publique internationale qui tarde alors à prendre la pleine mesure de ce qui se déroule ici. »

Rapprochement entre chrétiens et musulmans

À Béni Abbès ensuite, « là où le père Charles de Foucauld a fondé son premier ermitage » et où il apprend l’arabe. « Ce premier séjour est pour vous une révélation : l’Algérie est votre terre d’adoption et vous ne souhaiterez plus jamais la quitter », a souligné Bernard Cazeneuve. « Jusqu’à votre consécration épiscopale en la cathédrale d’Oran en 2013, vous n’aurez de cesse de développer dans ce pays l’héritage spirituel de Mgr Claverie, en appuyant le rapprochement entre chrétiens et musulmans, afin que ceux-ci vivent ensemble dans le dialogue, le respect et la fraternité ».

Au passage, le premier ministre a également souligné quelques-uns des engagements de l’actuel évêque d’Oran hors des « frontières de l’Algérie » : comme prieur provincial des dominicains de France, entre 2010 et sa nomination comme évêque en 2012, par ses « écrits et conférences publiques » qui font de lui « non seulement un acteur de l’Église en terre d’islam et un artisan du dialogue entre nos religions, mais un théologien et un réformateur ».

« Dans votre ouvrage Tout amour véritable est indissoluble, vous avez pris vigoureusement parti dans la question, délicate pour l’Église, de l’accueil sacramentel des divorcés remariés. (...) Il ne m’appartient certes pas, ni en tant que représentant de la République laïque, [ni même en tant que sujet divorcé et remarié avec la même épouse], d’avoir une opinion sur cette controverse théologique », a reconnu Bernard Cazeneuve, mentionnant seulement que la formule de Jean-Paul Vesco sur les conclusions du synode – un texte qui « nous emmène chacun un peu plus loin que là où nous pensions aller » – est « d’une certaine façon, pour le croyant, l’enjeu du dialogue interreligieux ; et pour celui qui ne croit pas, une maxime d’ouverture d’esprit et de refus des préjugés ».

À propos du souhait de l’évêque d’Oran de « demander la nationalité algérienne (...) pour témoigner du lien si fort qui vous attache à cette terre », le premier ministre a dit sa « conviction, que, si cette nationalité vous était accordée, vous n’en seriez que plus Français, si cela est possible ».

Anne-Bénédicte Hoffner

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