Xi Jinping et François n’ont jamais été aussi proches
17 mars 2019Le cardinal Parolin (à droite) signe la préface d’une revue jésuite consacrée à la Chine. / Filippo Monteforte/AFP
Alors que le président chinois sera en Italie à partir du 21 mars, six mois après l’accord historique entre la Chine et le Vatican, le secrétaire d’État du Saint-Siège souligne la volonté de coopération de l’Église catholique avec l’Empire du Milieu.
« L’universalité de l’Église empêche celle-ci de nouer des liens préférentiels avec une région du monde au détriment des autres ou avec une civilisation contre les autres » et « pousse le Saint-Siège à ne nourrir de méfiance ou d’hostilité envers aucun pays ». En quelques lignes, dans une préface à un volume spécial sur la Chine de la revue jésuite de référence La Civiltà cattolica, à paraître mardi 19 mars, le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Saint-Siège, résume l’attitude du Vatican vis-à-vis de l’Empire du Milieu.
Alors que la Chine et les États-Unis sont engagés dans une féroce guerre commerciale, et que le pouvoir chinois cible depuis quelques mois les religions perçues dans le pays comme sous influence étrangère (dont le christianisme évangélique), le « numéro 2 » du Vatican souligne au contraire la volonté de coopération de l’Église avec « le peuple chinois et ses légitimes autorités ».
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Pour sa réflexion, le cardinal Parolin part de la lettre apostolique Maximum illud de Benoît XV, dont l’Église fête en 2019 le centenaire, et dont il souligne un aspect « oublié » : la volonté du pape de l’époque que les missions « ne soient pas une extension de la chrétienté occidentale ». « C’était un message envoyé avant tout à la Chine », affirme le cardinal Parolin pour qui l’Empire du Milieu avait alors la vocation de devenir « un laboratoire de l’évangélisation ».
« Dépasser la logique des oppositions faciles »
Tout en se refusant à oublier « le sacrifice » de tant de catholiques chinois, c’est cette sinisation de longue date de l’Église de Chine au sein d’une Église catholique universelle que le cardinal cherche à mettre en avant, à l’opposé des voix qui, à travers le monde et sous l’influence de l’alt-right américaine, cherchent à se poser en défenseurs d’un soi-disant « Occident chrétien ».
« C’est sous les yeux de tous que, aujourd’hui même, la sollicitude du pape pour l’Église et le peuple chinois se heurte encore à la résistance et à l’opposition », souligne d’ailleurs celui qui est une des principales cibles de ceux qui s’opposent à François et à l’accord signé entre la Chine et le Vatican.
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Pour lui, afin de faciliter cette réflexion sur l’enracinement chinois du christianisme, le nouveau volume publié par La Civiltà cattolicadoit justement aider à « dépasser la logique des oppositions faciles, pour saisir la véritable complexité du défi culturel, social et religieux de la Chine d’aujourd’hui, et à défaire progressivement les nœuds qui empêchent encore la joie d’une rencontre féconde ».
Le président chinois à Rome… mais pas au Vatican
Six mois après la signature de l’accord Chine-Saint-Siège, cette publication intervient d’ailleurs juste avant l’arrivée à Rome du président chinois Xi Jinping, attendu jeudi 21 mars pour une visite d’État de trois jours en Italie. Jamais le pape et le président chinois n’auront ainsi été aussi proches, bien qu’ils ne devraient pas se rencontrer.
Fin février, selon le quotidien italien Corriere della Sera, des émissaires chinois ont pourtant discrètement sondé le Vatican sur la « disponibilité » du pape pour une rencontre avec Xi Jinping. Si la réponse de François a été positive, les Chinois auraient finalement fait marche arrière.
Officiellement pour des raisons d’agenda. Mais surtout, semble-t-il, à cause de tensions au sein de l’appareil chinois lui-même, pour ne pas faire de l’ombre à l’important accord sur la Nouvelle Route de la soie qui sera signé avec l’Italie et, enfin, pour ne pas trop irriter les États-Unis.
Le pape à Pékin ?
Conséquence, le Saint-Siège ne sera même pas représenté au dîner d’État donné par le président Sergio Mattarella en l’honneur de Xi Jinping, et alors que le nonce apostolique en Italie est pourtant le doyen du corps diplomatique.
Évidemment, un changement de dernière minute de l’agenda ne peut être totalement exclu. Mais c’est aujourd’hui vers un voyage du pape en Chine que se tournent les regards : à l’occasion de son déplacement évoqué au Japon, en novembre, François pourrait en effet faire une étape à Pékin, sur la tombe de Matteo Ricci, le jésuite qui avait justement su évangéliser la Chine en respectant sa culture et ses particularités.
Une hypothèse qui, selon le Corriere della Sera, est loin d’être exclue par le Vatican.
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L’accord Chine-Saint-Siège
22 septembre. Le Vatican et Pékin annoncent la signature d’un accord sur la nomination des évêques catholiques en République populaire de Chine. Le 8 septembre, le pape avait levé les sanctions pesant sur sept évêques illégitimement ordonnés des années plus tôt, les réintégrant ainsi dans la communion de l’Église catholique.
25 septembre. « C’est le pape qui nommera (les évêques en Chine). Ce sera moi : la chose est claire », affirme François dans l’avion qui le ramène de Tallin (Estonie).
26 septembre. Message du pape François aux catholiques chinois et à l’Église universelle.
4 octobre. Deux évêques chinois participent au Synode sur les jeunes convoqué au Vatican.
Nicolas Senèze, à Rome