« Aux fragilités répétitives des passages à l’acte, vient se poser l’ignominieux souhait qu’il en soit ainsi »

« Aux fragilités répétitives des passages à l’acte, vient se poser l’ignominieux souhait qu’il en soit ainsi »

« Suicidez-vous ! » a donc été crié haineusement à des représentants des forces de l'ordre, samedi dernier. En pleine manifestation, toutes caméras braquées afin que l'entendent douloureusement, chez eux en regardant la télé, les enfants concernés par le drame affectif.

« Suicidez-vous ! ». Slogan tagué sur une gendarmerie finistérienne en plein samedi saint. Enquête est ouverte. L'intitulé officiel du chef d'accusation est « outrage à personne dépositaire de l'autorité publique commis en réunion

Nous n'avons pas à discuter des termes juridiques en eux-mêmes. Mais nous sommes très au-delà de l'outrage, si répréhensible soit-il ! Nous touchons l'innommable. Aux fragilités répétitives des passages à l'acte, vient se poser l'ignominieux souhait qu'il en soit ainsi.

Le jour du néant incarné par le samedi saint, il n'y a que le Fils de l'homme capable de dire que ceux qui profèrent ces monstruosités « ne savent ce qu'ils font ». Car nous, nous ne savons ni excuser, ni comprendre, ni pardonner, qu'on joue ainsi avec des nerfs humains si éprouvés.

Vient un moment où la haine outrepassant les bornes, l’inhumain ne saurait être banalisé

Quoique chacun pense librement des forces de l'ordre, dans son histoire psychique et sociale, nul ne peut proférer ces mots.

« Ne pas ajouter le morbide à ce qui est déjà si douloureux »

Celles et ceux qui assurent notre sécurité au quotidien sont en train de subir une triple peine : non seulement leur tâche est incroyablement rude, mais il leur faut endurer, qu'en leurs rangs, des collègues craquent. Ce à quoi se rajoute ce « souhait » maléfique inqualifiable que ceux qui l'entendent en fassent autant.

Trois fois non à cette triple peine ! Nous devons déployer une attention extrême envers ceux qui nous protègent. À force d'endurer le devoir de réserve, ils craquent en grand nombre.

Ces suicides à répétition ne peuvent nous laisser indifférents. La République doit à ses gardiens la préservation de sa continuité en des jours sombres où tout vacille.

Nous sommes bien d'accord que c'est leur « métier », leur vocation. Nous sommes bien d'accord qu'ils l'ont choisi. Nous sommes bien d'accord qu'ils y sont formés et préparés. On ne fait pas une école de police par hasard. Assumer la rudesse du temps n'est pas en soi le problème. Il y a dans l'histoire d'une nation des pages difficiles à traverser.

Mais l'inacceptable est quand on joue avec la fragilité en l'attisant. Depuis le début des événements successifs d'attentats et de manifestations, quand la police, l'armée et la gendarmerie se sont-elles vraiment reposées ? Ce trop-plein ne peut que susciter l'implosion des êtres les plus solides si un respect élémentaire n'accompagne pas ce climat.

On ne peut laisser passer que soit souhaité et exprimé comme tel ce que le suicide a de plus douloureux, intime et mystérieux. Sortir de telles propos c’est s’en prendre à l’humain au plus profond de son être.

II y a dans l'expression humaine une boîte de Pandore que l'on ne maîtrise plus dans sa démesure, si un coup d'arrêt catégorique n'est porté. De même que les policiers, les pompiers, les soignants, sont « à bout » doit à proportion de leur ras-le-bol monter une immense estime envers eux.

Les causes profondes des suicides sont déjà complexes en soi pour qu'on n'y ajoute pas d'ignobles provocations. La communauté nationale doit réagir. C'est mettre en péril autrui dans un danger, et s'y mettre soi-même, que de tolérer la plus infime des pensées morbides  envers quelqu'un qui est susceptible de « broyer du noir ».

Il ne suffit pas de s'écrier : « un policier se donne la mort tous les quatre jours depuis début 2019 ». II faut surtout se rappeler que ceux qui protègent les humains sont aussi des humains !

 

Père Bernard Podvin

La Croix du Nord

Vendredi 26 avril 2019 page 17

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