Pape François-Coeur   

A l'arrivée d'un nouveau pontife, on guette les signes d'évolution ou d’inflexion dans tous les domaines sensibles du catholicisme. Celui de la place de la femme dans l'Eglise en est un majeur.

Ayant moins vécu dans des séminaires et des bureaux romains que son prédécesseur, le pape François fait naître certains espoirs à celles et ceux qui attendent enfin des signes.

Dès la Semaine sainte, ils ne furent pas déçus en voyant que, comme lorsqu'il était archevêque de Buenos-Aires, François a lavé les pieds de deux femmes durant la messe du Jeudi saint. Et ce malgré certaines pressions (voir un précédent post).

Voici que le coordinateur de son octuor de cardinaux conseillers es réforme de la Curie , Oscar Rodriguez Maradiaga, vient d'ouvrir une porte dans un entretien au Sunday Times, publié le 21 avril.

Le cardinal hondurien approuve «l'idée de nommer des femmes à des postes clés du Saint-Siège ». Bigre. On raconte que Jean XXIII, avec sa fausse naïveté, avait dit un jour au Vatican «Cela manque un peu de femmes ». Serait-il entendu ?

On attendait donc une réaction officielle du Saint-Siège à ce ballon d'essai. Elle est venue, très vite, du P. Lombardi, patron de la salle de presse. « C'est une étape naturelle. On s'oriente vers davantage de femmes nommées à des rôles clés pour lesquels elles sont qualifiées. »

Deux petites phrases qui méritent exégèse. Parler d'une « étape » peut laisser supposer que l'idée s'inscrit dans un programme plus long de promotion de la femme au sommet de la hiérarchie.

Y adjoindre l'adjectif « naturel » est plus intriguant. Pourquoi a-t-il fallu attendre aujourd'hui pour envisager une évolution « naturelle ». Rappelons que, de manière « naturelle », les femmes représentent autour de la moitié de l'humanité. Et que, en Occident, au moins, elles sont nettement majoritaires dans les églises.

Quand au mot « davantage », il tendrait à laisser entendre qu'on croise parfois des jupes au milieu des soutanes dans les bureaux du Saint-Siège. Il reste à prouver qu'elle n'appartiennent pas uniquement aux personnes en charge de l'entretien, de la restauration, ou des traductions, emplois forts nobles mais pas franchement décisionnels.

Évidemment, le P. Lombardi étant formé à la prudence, apparaît un gros bémol dans son propos. Les femmes pourraient se voir confiées des postes « pour lesquels elles sont qualifiées ». Il nous tarde donc de voir apparaître les fiches de postes émis par la DRH du Vatican!

S'il est question de diplômes de théologie, on trouvera des femmes – quelles soient religieuses, célibataires ou mères de familles. Par contre, si des emplois de chefs de service demeurent réservés à des évêques ordonnés ou pouvant l'être pour l'occasion, cela va coincer.

Les présidents de congrégation sont aujourd'hui systématiquement cardinaux. Pour répondre au désir de nos éminents militants de la promotion féminine, il suffirait de revenir sur le Code de Droit canonique de 1983, qui avait retiré la possibilité ancienne de nommer un laïc parmi les sages du Sacré-Collège, et d'en ouvrir l'accès aux femmes (1).

Une idée que défend notamment la théologienne Anne Soupa, co-fondatrice du Comité de la Jupe et auteur de Dieu aime-t-il les femmes ? (Tallandier). Elle l'a rappelé mardi 23 avril lors d'un débat à Paris avec Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre et président du Conseil Famille et société de l'épiscopat.

Placer des femmes à des postes importants du Saint-Siège, les autorités ecclésiales voudraient bien, mais ne peuvent pas vraiment pour l'heure. Il est donc temps de passer des déclarations d'intention – encourageantes – aux réformes structurelles qui en permettront la réalité.

Dans son roman d'anticipation Vatican 2035publié en 2005 aux éditions Plon, Pietro de Paoli, alias Christine Pedotti, envisageait celles-ci. On y lisait les aventures d'une laïque célibataire occupant le poste prestigieux de théologienne de la Maison pontificale. Elle devait devenir, avec deux autres, cardinales de la Sainte-Église.

Puisque c'est écrit...

(1) « Pour la promotion au Cardinalat, le Pontife Romain choisit librement des hommes qui sont constitués au moins dans l'ordre du presbytérat, remarquables par leur doctrine, leurs mœurs, leur piété et leur prudence dans la conduite des affaires; ceux qui ne sont pas encore Évêques doivent recevoir la consécration épiscopale » (C 351).

Philippe Clanché

Journaliste à Témoignage Chrétien 

 

                Texte publié le 25 Avril 2013 sur le Blog : www.cathoreve.over-blog.com

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