Michel Dubost

Ces derniers mois, notamment avec le débat sur le mariage pour tous, l'Eglise catholique s'est immiscée dans la sphère politique. L’évêque du diocèse d'Evry-Corbeil-Essonne, Monseigneur Michel Dubost, revient sur ces sujets d'actualité.

Le Républicain : Au sujet du mariage pour tous, certains prêtres se sont engagés dans leurs homélies et d'autres ont même manifesté. Quelle est votre position ?

Mgr Dubost : pour ma part je n'ai pas manifesté ni appelé à la manifestation. J'ai invité chacun à prendre ses responsabilités en tant que citoyen. Sur le fond. !e mariage a changé de signification. Autrefois on rattachait une vraie importance, ce qui n'est plus le cas. Le président de la République lui-même n'est pas marié. Mon premier travail est donc de revaloriser le sacrement du mariage. Ce qui peut ensuite poser problème, c'est le statut des enfants, les enfants adoptés se posent beaucoup de questions sur leur identité. Il se posera sans doute la même chose dans les couples homosexuels, sans que l'on puisse dire si ce sera plus compliqué. Enfin, ce que j'ose à peine dire, c'est que le vrai problème des homosexuels que je connais c'est qu'ils se demandent "pourquoi moi ?, pourquoi suis-je comme ça ? Il y a une souffrance à ne pas être comme tout le monde et aucun système légal n'évitera cette question là.

- Quel message voulez-vous  adresser aux catholiques homosexuels ?

M.D. : Qu'ils sont les bienvenus dans l'Eglise ! Certains s'en sentent exclus, par eux-mêmes, parce qu'ils ne se sentent pas comme les autres, et aussi, parfois, par certaines homélies, car la Bible a des phrases dures sur l'homosexualité, mais il faut alors tenir compte du contexte. Dans l'épître de Paul, il est écrit que dans la Grèce antique, les citoyens ont une femme à la maison et fréquentent de jeunes hommes pour leurs loisirs. Ça, ce n'est pas humain et c'est sûrement ce que condamnait saint Paul. Il faut aussi rappeler que, jusqu'à récemment, l'homosexualité était considérée: comme une maladie et l'Eglise, en ce sens, ne faisait que relayer la science. Je lance un appel à la chasteté à tous, hétéros comme homos- La chasteté n'est pas ta continence, c'est la maîtrise de sa sexualité, pour qu'elle soit toujours en position de signifier l'amour. C'est notre défi à tous.

- Avec de tels sujets de société, la question de la séparation des pouvoirs peut-elle être remise en cause ?

M.D. : Pas du tout. L'Eglise ne cherche absolument pas à prendre le pouvoir. Je suis même contre un parti chrétien, mais il était important, dans le cas du mariage pour tous, que l'on donne notre avis. Les prêtres qui ont manifesté se sont engagés en tant que citoyens, répondant à la fibre personnelle qui est en eux. Mais aucun ne s'est engagé au nom de l'Eglise. Moi-même, sur le sujet des Roms, je prends des positions qui sont politiques sans pour autant chercher à imposer quoi que ce soit Et c'est bien parce qu'il y a une crise politique très forte sur ce sujet que notre message est bien reçu. Je pense ainsi qu'il faut commencer par améliorer la situation des Roms en Roumanie et en Bulgarie. Ensuite, éviter que les regroupements soient trop importants, que chaque commune prenne une part et, surtout que les enfants soient scolarisés, c'est la clé. Le problème des Roms est évoqué dans la Bible avec Abel et Caïn, autrement dit la confrontation des peuples sédentaires et des peuples nomades.

Y a-t-il d'autres sujets de société sur lesquels il vous parait important que l’Eglise s'engage ?

M.D, : Nous n'avons pas tous la même conception des droits de l'homme. Moi, je défends des droits qui ne sont pas forcément évidents pour les autres, par exemple sur la fin de vie. Mourir dans la dignité c'est mourir sans être assassiné. Mais il ne faut pas non plus prolonger des traitements qui n'ont aucune utilité. Je défends ainsi la loi Léonetti. Il faut laisser faire les choses naturellement, sans acharnement thérapeutique,

Vous travaillez spécifiquement sur tes questions interculturelles et interreligieuses, penser-vous que l'Immigration pose un problème ?

M,D. : Non. Mais if faut croire en nos valeurs républicaines et que les gens qui viennent chez nous les acceptent, quitte a ce qu'elles évoluent après, avec eux. Je suis peut-être ringard mais, pour moi, c'est essentiel qu'ils parlent français. C'est par la langue que l'on devient gaulois, que l'on s'inscrit dans l'histoire de France. Et je reste contre des horaires spéciaux dans les piscines ou qu'on enlève le porc à la cantine, Il s'agit d'un respect mutuel. Les musulmans, comme les chrétiens, ne croient-ils pas en un Dieu unique et universel, à l’ origine de l'homme et la femme ? Les musulmans nous montrent un chemin sur la grandeur de Dieu. Nous, nous pouvons peut-être leur montrer que Dieu est si grand qu'il peut être l'ami des hommes, et que ce n'est pas contradictoire avec sa grandeur. Il n'y pas de choc de culture dû à l'immigration, mais cela peut arriver si chacun s'enferme chez soi.

- Le mouvement de la Manifpourtous a-t-il permis de remotiver les fidèles, voire d'en séduire de nouveaux ?

M.D. : Ce que je ressens c'est que l'idéologie ambiante est a bout de souffle. Le consumérisme, les vacances et le foot ne suffisent plus aux gens qui cherchent du sens à leur vie. Certains d'entre eux viennent effectivement vers nous. La Manif pour tous pouvait être dangereuse, car elle n'était pas canalisée. Je crois que les gens qui en étaient responsables, comme Frigide Barjot, n'avaient pas les épaules pour supporter cela. Et cela a pu faire le lit des extrémistes. Mon rôle est de montrer les chemins de l'espérance. Notre modèle est celui du Christ qui est mort en Croix. Ce qu'il doit en ressortir, c'est que l'amitié doit toujours être plus forte que la haine,

 Propos recueillis par Anabelle Gentez

Le Républicain de l’Essonne

 www.le-republicain.fr

 

 

 

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