Le pape François à son arrivée à Genève pour célébrer le 70e anniversaire du COE.  Alexandra Wey/AFP

Le pape François à son arrivée à Genève pour célébrer le 70e anniversaire du COE. Alexandra Wey/AFP

Marquant, hier à Genève, les 70 ans du Conseil œcuménique des Églises, le pape a rappelé que le but de l’unité des chrétiens demeure l’évangélisation.

En se rendant hier à Genève avec le seul objectif de visiter le Conseil œcuménique des Églises à l’occasion de ses 70 ans, le pape François entendait bien faire de l’unité des chrétiens le seul sujet de ce voyage éclair d’une petite dizaine d’heures en terre helvétique. Et, à son habitude, le pape argentin, en vieil habitué du dialogue, a exposé une vision de l’œcuménisme faite tout autant d’ouverture que d’exigence. Car, s’il a souligné le « courage » de ceux qui ont su « inverser le cours de cette histoire qui nous avait portés à nous méfier les uns des autres (…), favorisant la spirale diabolique des cloisonnements continuels », il a surtout appelé ses interlocuteurs des autres Églises à ne pas oublier le but premier de l’œcuménisme : l’évangélisation.

Dans l’important discours qu’il a prononcé hier après-midi devant les responsables de l’organisation, il les a en effet remerciés pour leur « engagement » en faveur de l’unité, tout en leur faisant part d’une « préoccupation » : « l’impression qu’œcuménisme et mission ne sont plus aussi étroitement liés qu’à l’origine ». Une critique à peine voilée du fonctionnement du COE où les préoccupations sociales, voire sociétales, semblent être passées au premier plan.

« Il faut s’inquiéter quand certains chrétiens  se montrent indifférents face  à celui qui est  dans l’indigence. »

 « le mandat missionnaire, qui est plus que la diakonia (le service, NDLR) et la promotion du développement humain, ne peut être oublié ni évacué. Il en va de notre identité, a-t-il martelé. Nous ne serions pas fidèles à la mission qui nous est confiée si nous réduisions ce trésor à la valeur d’un humanisme purement immanent, adaptable aux modes du moment. » Bien sûr, il ne s’agit pas pour François de mettre de côté l’action commune. « la crédibilité de l’Évangile est mise à l’épreuve par la manière avec laquelle les chrétiens répondent au cri de ceux qui, en toute partie de la terre, sont injustement victimes de l’augmentation tragique d’une exclusion qui, engendrant la pauvreté, attise les conflits, a-t-il rappelé.

Nous ne pouvons pas nous en désintéresser et il faut s’inquiéter quand certains chrétiens se montrent indifférents face à celui qui est dans l’indigence. » Au passage, le pape en profite pour critiquer la théologie de la prospérité, chère à certains protestants évangéliques « qui considèrent leurs propres bénéfices comme des signes de prédilection divine, plutôt que comme un appel à servir avec responsabilité la famille humaine et à protéger la création ». Pour François, de fait, l’action commune est clairement une piste à développer, au même titre que le dialogue théologique et dans la suite de « l’œcuménisme du sang » de tant de martyrs. « Si un service est possible, pourquoi ne pas en faire le projet et l’accomplir ensemble, en commençant par faire l’expérience d’une fraternité plus intense dans l’exercice de la charité concrète », s’est-il interrogé.

Mais il est clair que, du point de vue catholique, le travail commun n’est qu’une conséquence de la marche commune vers l’unité. Une marche dont il avait rappelé les fondements, le matin, dans la chapelle de béton et de bois clair du Conseil œcuménique des Églises, mettant en garde contre ceux qui préfèrent « la quiétude de la maison » ou « s’occupent commodément de leurs propres affaires ».

« Marcher, c’est rejeter la mondanité, a-t-il affirmé lors de cette prière commune d’une grande intensité avec des représentants de toutes les confessions chrétiennes. C’est choisir la logique du service et progresser dans le pardon. » Pour lui, ce sont justement ces « logiques mondaines » qui ont été la cause de la division des chrétiens, quand « on défendait d’abord ses intérêts propres, puis ceux de Jésus-Christ ». Au contraire, a-t-il expliqué, dans la marche œcuménique, « on ne défend pas, comme il se doit, les intérêts des communautés respectives, souvent solidement liées à des appartenances ethniques ou à des orientations affermies, qu’elles soient principalement “conservatrices” ou “progressistes” ». Il faut donc, a-t-il soutenu, « résister à la tentation trompeuse (d’) être ensemble avec les autres, (de) marcher ensemble, mais avec l’intention de satisfaire quelque intérêt partisan ». Un « travail en pure perte », qui « n’est pas une stratégie pour faire valoir notre poids mais un acte d’obéissance envers le Seigneur et d’amour envers le monde », a conclu ce pape qui entend bien tenir ensemble évangélisation et service des hommes.

Nicolas Senèze

 

Repères : Les dates clés du COE

1910, puis 1920. La Conférence mondiale des missions d’Édimbourg (1910) et une encyclique du Synode (orthodoxe) de Constantinople (1920) proposent la création d’une « société des Églises » similaire à la Société des Nations.

1937-1938. Des responsables représentant plus de cent Églises se prononcent en faveur de la création d’un Conseil œcuménique des Églises, mais sa réalisation est ajournée du fait de la Seconde Guerre mondiale.

1948. Assemblée fondatrice du COE, avec 147 Églises membres

1968. 4e Assemblée du COE, à Uppsala (Suède). Après les élargissements successifs, le concile Vatican II fait souffler un vent nouveau sur les relations œcuméniques, avec la participation d’acteurs catholiques.

1982. Publication du document « Baptême, eucharistie, ministère », qui permet de parvenir à un consensus entre les Églises dans leur recherche de l’unité pleine et entière.

2018. Le COE regroupe désormais 345 Églises.

Lien à la Source

Retour à l'accueil