Le républicain Donald Trump lors d'un arrêt au Colorado le 17 septembre 2016.   (CNS photo/Mike Segar, Reuters)

Le républicain Donald Trump lors d'un arrêt au Colorado le 17 septembre 2016. (CNS photo/Mike Segar, Reuters)

Que s’est-il donc passé pour que plus de 80% des chrétiens blancs évangéliques, 60% des protestants et 52% des catholiques aient favorisé Donald Trump au moment de voter, le 8 novembre ?

Malgré le bras de fer entre le pape François et le candidat républicain au sujet du mur de 1600 km promis par ce dernier à la frontière avec le Mexique, de même que l’expulsion de 11 millions d’immigrants illégaux, malgré les déclarations de la Conférence des évêques américains qui appelaient, bien sûr, à protéger la vie depuis sa conception jusqu’à sa fin naturelle, mais aussi à soutenir les personnes en situation vulnérable sans oublier les migrants et les réfugiés, les catholiques ont tout de même choisi majoritairement l’homme dont les qualificatifs qui le relient à l’immoralité se sont accumulés durant toute la campagne.

Bien sûr, le nouveau président sera dans ligne de mire de tous les observateurs internationaux.

Il est fort probable que ses réalisations seront moins ambitieuses que les promesses qu’il a faites. Par exemple, en dehors des mesures pour contrer l’immigration, son programme économique favorise nettement les plus riches par des baisses d’impôt majeures dans une société déjà marquée par l’appauvrissement de 90 millions d’habitants.

Au chapitre de la sécurité, la torture, les contrôles « extrêmes » aux frontières, la peine de mort, le renforcement à grande échelle de l’armée n’ont rien pour réduire l’impression d’un État de plus en plus répressif.

Sur le plan diplomatique, c’est l’incertitude, mais on peut déjà s’inquiéter des relations avec l’Iran et Cuba et de la possibilité d’un engagement encore plus violent au Moyen-Orient.

L’assurance-maladie mise en place par Obama est en danger, ce qui pourrait affecter 11 millions d’Américains sans moyen de recevoir des soins médicaux.
Enfin et ce n’est pas la moindre, après l’encyclique Laudato si’ et l’Accord de Paris, la lutte contre les changements climatiques risque de voir les États-Unis s’isoler du reste du monde avec le retour en force du déni. Bref, avant l’élection, les chrétiens de toutes dénominations confondues savaient à quoi s’attendre. Mais…

Le flair politique

Donald Trump s’est positionné de manière plus précise sur la question de l’avortement en septembre seulement. C’est à partir de ce moment que les groupes pro-vie, des responsables religieux et mêmes certains évêques se sont mis à soutenir sa candidature, avec le succès qu’on peut constater.

Cela démontre clairement à quel point l’avortement demeure un sujet de polarisation extrême, tout autant que celui des armes à feu dont Donald Trump a réaffirmé qu’il s’agissait d’un droit divin.

La foi chrétienne appelle pourtant les croyants à s’engager pour la justice, pour la paix, pour le relèvement des petits, pour le partage de la richesse au point où Jésus en fait des critères incontournables pour l’entrée dans son Royaume (cf. Matthieu 25, 36). Bien sûr, les « petits » non encore-nés sont les plus fragiles entre tous, mais ne peut-on pas s’étonner de voir à quel point le seul sujet de l’avortement en arrive à obstruer complètement la vue sur les autres enjeux qui affectent des millions d’Américains dont la vie est loin d’être convenablement «protégée»?

La conférence épiscopale des évêques des États-Unis a émis un communiqué, au surlendemain de l’élection. Elle plaide évidemment pour la protection de la vie humaine dès la conception jusqu’à son terme naturel (ce qui inclut la vie entière), mais également pour «des politiques qui offrent des opportunités à tous les gens, de toutes les religions, dans tous les milieux de vie». De même, elle rappelle au président désigné sa détermination «à ce que nos frères et sœurs qui sont migrants et réfugiés puissent être accueillis sans sacrifier notre sécurité». Et le communiqué poursuit : «Nous allons attirer l'attention sur la persécution violente menaçant nos frères chrétiens et les gens d'autres religions dans le monde, en particulier au Moyen-Orient. Et nous allons chercher l'engagement de la nouvelle administration à la liberté religieuse domestique ».

Peut-être que cette vision plus large de l’éthique chrétienne n’a pas suffisamment été mise de l’avant pendant la campagne. Peut-être que le symbole que représente le droit à l’avortement, dont s’est fièrement affublée Mme Clinton, a fini par la «démoniser» auprès d’un large électorat religieux.

N’empêche que pour les quatre prochaines années, la plus grande démocratie du monde risque de produire des politiques qui – si elles reflètent ne serait-ce qu’une fraction des propos scandaleux de Donald Trump pendant la course - viendront confronter de plein fouet les valeurs chrétiennes.

Les chrétiens qui ont largement contribué à son élection comme président des États-Unis pourraient bien s’en mordre les doigts.

Jocelyn Girard

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