Homélie du 22 février 2015, premier dimanche de carême
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Aussitôt après avoir été baptisé Jésus a été poussé par l’Esprit comme par une nécessité intérieure à se retrouver seul à seul avec lui-même face à Dieu son Père, avant d’aller par les chemins de Galilée et de Judée faire découvrir à ses frères les hommes le vrai visage de Dieu.
Ce désert n’est pas d’abord situé dans l’espace à l’instar du désert des Hébreux marchant vers la Terre promise. Il est de l’ordre de l’intériorité. Il appelle à la maturation et à la vérité intérieures. Il faut aller à la rencontre de soi-même. Comme dit le psaume (85/11) s’adressant à Dieu : Unifie mon cœur pour que je t’adore dans la confiance et l’abandon.
Or, quand on descend au fond de soi-même, on y retrouve très souvent un passé dont certains épisodes nous font honte. On traine comme un boulet une culpabilité qui brise notre élan vers Dieu. Chacun et chacune d’entre nous traine – pardonnez ce langage un peu trop familier – un certain nombre de casseroles dont le tintamarre nous empêche d’entendre Dieu nous dire qu’Il nous aime. Nous sommes déçus de nous-mêmes. Il s’agit beaucoup plus de blessure narcissique, de dépit de ne pas avoir pu réaliser notre moi idéal que de véritable contrition. Bien sûr, on peut refouler ces souvenirs peu glorieux tout au fond de sa conscience au point qu’on peut croire les avoir oublier mais, comme les déchets radioactifs, dont on ne souvient plus où on les a enfouis, ils nous polluent gravement et nous détruisent lentement en silence.
La seule solution pour empêcher nos casseroles de faire un bruit qui nous rend sourds, et aussi pour ne plus avoir de boulet à trainer, c’est de les porter dans nos bras, c’est-à-dire d’accepter d’avoir été faibles, infidèles, cruels, violents, cyniques, odieux, abusant des plus faibles... D’accepter aussi, de peut-être un jour retomber dans ce qui nous fait horreur, si ce n’est pas encore le cas aujourd’hui.
Il s’agit d’assumer ce que l’on est ; de se dire, ‘’oui, ça, c’est moi aussi’’, sans délectation morose ni dégoût de soi-même parce que Dieu m’aime comme je suis, que son amour est gratuit, c’est-à-dire que je ne le ‘’mériterai’’ jamais, pas plus que le fils prodigue l’amour de son père ni la femme adultère la tendresse respectueuse de Jésus.
Une hymne du bréviaire nous fait dire le lundi : ‘’Nous n’avons pour seule offrande que l’accueil de ton amour’’
C’est vrai nous ne sommes pas parfaits et alors ? Une de mes correspondantes – elle se reconnaîtra – m’a fait cadeau d’un beau texte qu’elle venait de découvrir.
Le voici : Je n'aime pas les vies de saints. Celles que l'on raconte. Elles me font penser à des publicités. Les personnages sont idéalisés, parfaits. Si d'aventure ils ont un travers, c'est pour être aussitôt transcendé par l’héroïsme de leurs vertus.
Pourtant, les saints ne sont pas parfaits. Ils sont d'abord, avant tout, des hommes, des femmes. Comme vous, comme moi. Avec leurs qualités, leurs défauts. Avec leurs combats. Mais surtout, avec leur chemin.
La sainteté semble tellement plus abordable quand on s'inspire du chemin parcouru, de la croissance intérieure, tellement plus abordable que si l'on s'en tient à l'arrivée. C'est probablement pour cela que les témoignages sont tant appréciés. Ce sont des gens "normaux" qui nous parlent de leur parcours, comme ils sont, avec humilité, sans nier les écueils.
(…) Grandir, progresser, se relever. Bref, avancer, sans se décourager. Humilité. Ne surtout pas ne "rien faire" de crainte que ce ne soit pas parfait. Les musiciens le savent bien
Merci Seigneur pour ces chemins, merci pour nos chemins 1
PS : Soyez des pubs vivantes pour la sainteté
Il y a un autre texte que j’aime bien citer tant il nous montre un pauvre qui se tient devant Dieu avec une confiance affectueuse.
(...) Parmi les pauvres, les plus pauvres (il y a) ceux dont l’intelligence semble nouée ou impuissante à s’exprimer par une arriération humainement irrécupérable, mais dont le cœur va plus loin que la pensée et auxquels il n’a pas été refusé de saisir Dieu même, dans la simplicité de leur cœur. (...)
François a douze ans. Il n’a jamais pu apprendre comme ses frères et sœurs. Il ne sait ni lire ni écrire. Il parle et réagit comme un petit enfant, alors que physiquement il s’est normalement développé. Il fréquente une école adaptée à son arriération psychologique. On devine la souffrance de ses parents, l’inquiétude pour l’avenir.
C’est là, avec ses camarades, qu’il rencontre le prêtre et apprend à connaître Jésus. Il écoute bien, que comprend-il ? Pour Pâques, l’abbé a jugé que quelques uns de ces garçons étaient suffisamment prêts pour participer à l’Eucharistie et recevoir ensemble Jésus dans une première communion. Bien sûr, les parents, les parrains et marraines, les frères et sœurs sont là pour les entourer. On chante, on prie, on offre, on remercie.
Après la messe, on se retrouve pour le repas chez les parents de François. Pendant qu’on verse l’apéritif, on commente la cérémonie : ce fut une belle messe, l’abbé a très bien parlé. Au milieu de cette joie, le parrain a ce mot malheureux : “Ce qui est dommage, c’est que ce pauvre innocent n’a rien compris de tout cela.” C’était ce qu’il ne fallait pas dire. D’un seul coup, voici la tristesse des parents qui remonte par dessus cette joie et menace de l’engloutir. François sait bien ce dont on parle, de qui l’on parle. Alors, il s’approche de sa maman, l’entoure de ses bras et dit simplement : “ Ça ne fait rien, va, Dieu m’aime comme ça ! “.
Il y eut un silence comme si Dieu même était entré. (...) Dieu était si proche et si bon. Il était là. C’était François qui l’avait compris. Dieu avait parlé par sa bouche et s’était adressé à chacun, là où étaient les pensées de son cœur. Il s’était révélé par lui, ce qu’il est : si proche et si bon”.
Nous n’avons comme seule offrande que l’accueil de ton amour.
Roland Chesne, Prêtre à Vernonnet (Diocèse d’Evreux)