Séparatisme, les associations au cœur des débats
21 janv. 2021Au terme de longs débats qui n’ont pas levé toutes les ambiguïtés, la commission spéciale a adopté, jeudi 21 janvier, l’article sur le contrat d’engagement citoyen destiné aux associations.
La commission spéciale qui examine le projet de loi« confortant le respect des principes de la République » a adopté, dans la nuit du 20 au 21 janvier, l’une des importantes mesures de la réforme. L’article 6 vise à lier les associations qui sollicitent des subventions au respect d’un « contrat d’engagement républicain ».
Le débat a toutefois été bien long et n’a pas permis d’écarter toutes les ambiguïtés de cette innovation frappée, sur le papier, au coin du bon sens. Les collectivités publiques seront dans l’obligation de supprimer des sommes allouées, ou de demander leur restitution, à des organisations qui ne respectent pas les principes républicains.
La notion de « contrat », qui inquiète au sein du monde associatif, a suscité des contre-propositions, certains élus suggérant « une convention d’objectif », un « pacte » ou « une charte ». Sauf que ces chartes, déjà mises en place par des collectivités locales, sont parfois contestées en justice. « C’est le devoir du gouvernement de protéger les élus », a insisté la ministre chargée de la citoyenneté Marlène Schiappa. Le contrat constituera un « outil juridique » pour obtenir la restitution des subventions, a abondé le rapporteur Éric Poulliat.
Sur le fond, c’est la définition des principes républicains visés par le contrat qui a mobilisé les députés. Le projet de loi mentionne les principes « de liberté, d’égalité, notamment entre les femmes et les hommes, de respect de la dignité de la personne humaine et de sauvegarde de l’ordre public ».
D’âpres discussions juridiques et philosophiques se sont engagées sur les termes, et d’abord sur la pertinence d’ajouter à la liste le principe de la laïcité. Impossible, a répondu le gouvernement, car cela interdirait de subventionner des associations dont l’identité religieuse est inscrite dans les statuts, comme les scouts ou le Secours catholique.
Un argument contesté par plusieurs députés. « Assimiler la laïcité à la neutralité, c’est une erreur, elle garantit la pluralité des religions », a lancé Coralie Dubost (LREM). « Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas appliquer le principe de laïcité à des associations, ça ne suppose pas la neutralité », a abondé Julien Ravier (LR). « Vous êtes pris à votre propre piège, on n’y comprend plus rien », s’est exclamé Alexis Corbière (LFI).
« Je m’interroge de plus en plus sur le sens du mot laïcité », a fini par capituler Annie Genevard (LR), doutant de la pertinence de son propre amendement. Après plus d’une demi-heure de confusion où même le ministre Gérald Darmanin a paru s’y perdre, c’est Marine Le Pen (RN) qui a tenté d’apporter de la clarté, rappelant que les « associations confessionnelles n’ont pas vocation à organiser le culte » et « peuvent respecter les principes républicains ».
Les amendements visant à intégrer le principe de laïcité ont donc été rejetés, sans clore les discussions. Contre l’avis de la ministre Marlène Schiappa, un amendement supprimant la référence à l’égalité « entre les femmes et les hommes » a été adopté. Le respect des « exigences minimales de la vie en société » et des « symboles fondamentaux de la République » a, lui, été ajouté. Tandis que la « lutte contre les sectes » ou « la transphobie » ont tenté en vain de trouver leur place.
Cette séance de travail a en tout cas montré toute la difficulté qu’il y aura, en séance, à s’entendre sur la définition de ce contrat d’engagement. D’ici là, Marlène Schiappa a promis de finaliser le contenu du décret qui en précisera les termes et auquel renverra la loi. Les consultations, assure la ministre, se poursuivent avec les représentants des élus locaux et du monde associatif.
Bernard Gorce