« L’avenir des communautés d’Eglise » par Charles DELHEZ, Jésuite Belge
24 févr. 2025L'avenir des prêtres. On avance ! Lors de la rencontre du pape François avec les jésuites, durant son voyage en Belgique, j’ai pu lui poser la question de la célébration de l’Eucharistie quand il n’y aurait plus de prêtres. Les chiffres sont en effet nettement à la baisse. « La communauté est plus importante que le prêtre [qui est] un serviteur de la communauté », m’a-t-il répondu
Cette réponse va dans le sens de son initiative de créer de nouveaux ministères qualifiés d’institués, pour les distinguer des ministères ordonnés que sont les diacres, les prêtres et les évêques. Il s’agit des ministères du lectorat, de l’acolytat et de la catéchèse, qu’à Liège on nomme : de la Parole, de la prière communautaire et de l’évangélisation. Petite révolution : ces ministères institués sont ouverts aux femmes. Ils sont cependant conférés à vie, ce qui ne sera peut-être pas évident dans une société où les engagements longue durée sont si problématiques.
Attention ! il ne s’agit pas d’un soutien aux prêtres débordés ou de les dépouiller de leur rôle, mais d’un service à la communauté. Ils sont fondés sur le baptême et non sur le sacrement de l’Ordre. Il ne s’agit pas d’un échelon supplémentaire dans l’ organigramme, mais d’une manière de déployer la communauté en mettant chacun au service des autres. Ces ministères institués représenteront de manière plus officielle les différentes dimensions de la communauté. Celle-ci, aujourd’hui, ne peut en effet plus vivre sans que tous se sentent responsable d’une manière ou d’une autre, chacun apportant ce qu’il peut. Le temps d’une religion self-service prend fin.
Faudra-t-il encore des prêtres ? Oui, pour présider la communauté. Ils resteront le signe que c’est bien le Christ qui fait l’unité de tous les baptisés, que c’est lui qui nous invite à nous laver les pieds les uns aux autres. Il veillera à ce que la communauté reste vivante, que tous les services soient rendus. Il ne sera plus l’homme à tout faire. Depuis quelques siècles, en effet, l’Église a été par trop centrée sur le prêtre, et sur l’évêque que l’on voyait si peu. Il est temps de quitter le monopole presbytéral et épiscopal, sans tomber dans un cléricalisme d’un nouveau genre. Le concile Vatican II a réinstauré le diaconat. C’était déjà un pas. L’Église évolue donc. Elle ne cesse de se réinventer, tout comme déjà les apôtres l’avaient fait un instituant les diacres pour le service de la table de la Parole.
J’ai cependant le sentiment qu’on est encore au milieu du gué. Le pape avance à petits pas, selon son habitude. L’ouverture aux femmes est un geste symbolique fort. Le pas suivant ne sera-t-il pas d’ouvrir le ministère ordonné aux femmes et de veiller à ce que, dans ces petites communautés qui aujourd’hui fleurissent à la marge de l’Église, le geste eucharistique puisse encore être posé, ce qui supposera l’ordination de personnes mûres, engagées dans la vie professionnelle et l’aventure familiale ? Et pourquoi pas, élues par la communauté et présentées à l’évêque pour s’insérer dans la grande tradition de l’Église, en communion avec les autres communautés ? Il s’agit en effet d’éviter l’éclatement de l’Église.
Je rêve que des petites communautés naissent, toujours plus nombreuses, où chacun sera au service des autres. Mais le modèle est encore à inventer. Que l’Esprit continue à souffler !
Charles DELHEZ, Jésuite Belge, sociologue et écrivain
Conseiller spirituel national des Equipes Notre Dame en Belgique
Curé de la paroisse de Blocry (Louvain-la-Neuve).