Frédéric OZANNE, 29 ans, sera ordonné prêtre de la Mission de France le samedi 4 octobre 2008 à Etampes (91).

— Par tes origines familiales, tu es proche de la nature. Tu es un passionné d’oiseaux…
— Frédéric :
Je me souviens, j’avais dix ans, peut-être un peu plus ou peu moins, j’allais relever des empreintes d’animaux dans la forêt avec du plâtre. C’est bien souvent par leurs traces que l’on découvre leur vie : elles indiquent leur présence. Parfois, il faut être un peu rusé et bien connaître leur mode de vie pour les repérer ; deviner vers quel arbre le pic aime chercher des insectes, à quel endroit peut se plaire le cingle plongeur, dans quelle mare le sanglier pourrait se rouler... Ce que j’aime aujourd’hui dans la nature, et en particulier avec les oiseaux, c’est découvrir ce qu’on ne verrait pas d’un simple regard superficiel. C’est la recherche qui me passionne.

Tu travailles dans le milieu agricole…
— Frédéric : Depuis janvier 2008, je suis conseiller de gestion auprès d’agriculteurs à Pithiviers, au cœur de la Beauce. J’avais déjà occupé ce genre de poste dans la Somme avant mon arrivée à la Mission de France. Après mon ordination comme diacre, ayant rejoint l’équipe Mission de France du Sud Essonne, j’ai cherché un emploi dans cette région. Ma recherche n’a duré que quatre mois, suffisamment d’ailleurs pour en mesurer l’épreuve. Je faisais mes démarches le matin, quelques heures suffisaient mais ma journée entière en était totalement envahie par cette préoccupation. Je n’étais plus disponible que pour attendre des réponses à mes courriers. J’ai saisi, à ma mesure sans doute, à quel point la recherche d’emploi peut faire passer de l’inquiétude stimulante à l’angoisse démoralisante.

Au jour le jour, l’ordinaire de la vie de travail me rend heureux, la simple convivialité, vivre ensemble la solidarité du quotidien avec mes collègues. Là est je crois, l’enjeu d’une vie de prêtre au travail. Cet ordinaire-là, par le regard du Christ, devient extraordinaire. Là est le Royaume de Dieu. Là est la source de ma prière et de mon engagement. Vouloir être prêtre, pour moi, c’est vouloir chercher Dieu.

— Comment as-tu découvert Dieu ?
— Frédéric
: …. Dans ma famille, Dieu ne va pas de soi. Et moi non plus je n’avais pas l’évidence de Dieu, encore aujourd’hui d’ailleurs. J’avais tout à découvrir ! Je n’avais jamais ouvert les Evangiles. Je n’avais pas de clé, je ne savais pas que les textes n’étaient pas à lire à la lettre mais à « recevoir »… J’ai été guidé pas à pas par ce prêtre, Raphaël. Puis, au Carmel de Mazille, j’ai découvert la prière lors d’un camp de révision d’examens. Tout ce basculement s’est fait en un an. C’est un peu rapide quand j’y pense.
Aujourd’hui, cette non-évidence de Dieu se traduit par un manque de Dieu lui-même. Et c’est parce que Dieu me manque que j’ai tant soif de le rencontrer. C’est dans mon quotidien au travail qu’est le creuset de ma recherche. J’ai les mêmes soucis que mes collègues, la même hiérarchie, les mêmes objectifs, les mêmes contraintes... Là je cherche Dieu, là est le support de ma prière. L’acte même de chercher suffit à nourrir ma foi. La foi chrétienne est relation au Christ, jamais je ne pourrai mettre la main sur Lui. « Un mystère, dit Varillon, n’est pas ce qu’on ne découvrira jamais mais ce qu’on n’aura jamais fini de découvrir. » C’est cette recherche qui m’anime. Elle peut être angoissante, mais elle n’est pas destructrice….

— Tu as souhaité être prêtre au travail. Tu veux être un collègue, pas seulement un « curé ».
— Frédéric
: Par mon expérience du travail, j’ai senti l’impératif de vivre en proximité avec des gens que je ne rencontrerais pas en paroisse.
Ce n’est pas mon travail en soi qui est primordial, et ce n’est pas non plus ce qui se passe seulement à l’autel lors de l’Eucharistie et qui serait isolé de ce que je vis ailleurs. Ce qui est fondamental, c’est le va-et-vient permanent entre l’eucharistie et ma vie au travail. Le cœur de ce que je veux engager n’est pas, soit à l’autel, soit au travail, il est dans le mouvement même entre les deux, dans cette circulation.
….

— Que ressens-tu à quelques semaines de ton ordination ?
— Frédéric
: Je suis paisible. Et un peu impatient. Je sens surtout que ça me dépasse. Je ne suis pas maître de ce qui arrive. L’ordination d’un prêtre concerne toute l’Eglise, tout cela ne m’appartient pas même si je suis « ce » prêtre… Je me rends compte que c’est l’Eglise qui appelle. C’est un moment de désappropriation un peu vertigineux. Et en même temps, comme j’ai confiance en l’Eglise, je me sens libre.
L’Eglise est une communauté de chercheurs de Dieu, chercheurs des autres, chercheurs de sens. Notre foi est une relation avec le Christ, et on ne peut pas mettre la main sur une relation ! Au quotidien, tout est à inventer, tout est à découvrir. Rien ne s’arrête avec ce que nous vivons ici et aujourd’hui. Même la barrière ultime de la mort est traversée avec lui. On se trouve libérés. La foi chrétienne nous permet de vivre l’Espérance. L’axe ultime, c’est ma relation avec le Christ. ….

L'intégralité de l'interview est disponible en suivant le lien :

http://catholique-mission-de-france.cef.fr/pages/pistes/temoignage/temfo.html

Propos recueillis par Marie-Christine SER, septembre 2008.

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