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Des entreprises multinationales telles qu'Apple, Starbucks ou Google qui ne payent pas ou peu d'impôts, un ministre français du budget qui fraude le fisc, une enquête journalistique internationale sans précédent sur la prospérité de l'industrie de l'évasion fiscale... Confrontés à un profond mécontentement citoyen et aux déficits des finances publiques, un nombre croissant de pays se disent enfin prêts à lancer des réformes ambitieuses. Ils reprennent désormais à leur compte plusieurs propositions clés portées de longue date par la société civile. Au-delà de la pression exercée sur les territoires opaques pour qu'ils adoptent l'échange automatique d'information, il est urgent de revoir en profondeur les règles du jeu de la fiscalité des multinationales, d'interdire les activités de conseil en fraude fiscale et de bannir les sociétés écrans.

David Cameron avait annoncé début 2013 que la fiscalité serait l'un des trois principaux thèmes du sommet du G8 sous présidence britannique qui se tiendra les 17 et 18 juin à Lough Erne, en Irlande du Nord. Il s'est trouvé peu à peu dans l'obligation de surenchérir et d'annoncer des mesures chocs.

Un comble pour un pays au cœur de l'opacité financière, qui pèse 20% du marché de la finance offshore... Le Royaume-Uni est en effet à l'origine des structures juridiques opaques les plus perfectionnées - ces fameux trusts, obstacles infranchissables pour les administrations du monde entier. Selon la dernière enquête d'Oxfam, le pays et ses nombreux satellites (les territoires d'outre mer ou les dépendances de la couronne britanniques tels que les Bermudes, les îles Vierges, Jersey ou les Caïmans ...) hébergent un tiers de la richesse mondiale détenue par des grandes fortunes dans les paradis fiscaux.

Dans une lettre adressée au Conseil européen le 24 avril dernier, le Royaume-Uni annonçait de profondes modifications de sa position, notamment sur la transparence des propriétaires ou bénéficiaires réels des entreprises. Pour la première fois, David Cameron évoque ouvertement la création d'un registre public des sociétés pour connaitre l'identité des individus qui les détiennent ou les contrôlent. Et, fait extraordinaire, les trusts sont explicitement mentionnés, même si aucune proposition claire n'y a été associée pour mettre fin à leur nocivité. Il n'est ainsi pas encore proposé de les ajouter dans les fameux registres, ce qui est pourtant indispensable pour exiger la divulgation de l'identité réelle des bénéficiaires.

Hélas les ambitions ont déjà été révisées à la baisse puisque le cœur des négociations porte aujourd'hui sur la mise en place de plans d'actions nationaux dans chaque pays membres du G8, sans recommandation précise sur la création de registres publics. Le résultat d'une contre-attaque des lobbies de la finance offshore ?

La France, qui a déjà mis en place une obligation de déclaration des trusts au niveau national et des registres des comptes bancaires et des entreprises, ne peut rester silencieuse sur le sujet. Exiger du Royaume-Uni des avancées concrètes dans ce domaine doit aussi permettre de faire cesser les manœuvres dilatoires du Luxembourg, de l'Autriche ou de la Suisse qui cherchent à éviter l'échange automatique d'informations et renvoient le monde anglo-saxon à sa part de responsabilité.

Bannir ces sociétés écrans bénéficierait aux pays du monde entier et en particulier aux pays pauvres, premières victimes de l'évasion fiscale, qui perdent chaque année plus de 800 milliards d'euros en flux financiers illicites. En s'y attelant sérieusement, les pays du G8 faciliteraient grandement la traque des biens mal acquis, des avoirs des fraudeurs fiscaux et du déplacement de l'assiette fiscale par les entreprises multinationales. Autant de ressources publiques supplémentaires qui pourraient être investies notamment dans l'agriculture et allouées à des politiques publiques de lutte contre la faim. Si des avancées majeures sont décidées à Lough Erne, nous serons alors les premiers à déclarer que, cette fois, le G8 aura servi à quelque chose.

Mathilde Dupré

 

 

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