Déjeuner du Saint-Père avec les pauvres à l'occasion de la Journée mondiale des pauvres, le 13 novembre 2022.  Vatican News

Déjeuner du Saint-Père avec les pauvres à l'occasion de la Journée mondiale des pauvres, le 13 novembre 2022. Vatican News

Très Saint Père,

Au catéchisme, on m’avait enseigné qui était Jésus. Je me souviens de la petite lumière rouge près du tabernacle, de la messe qu’on m’avait apprise, et des personnages des Évangiles que l’on m’avait présentés.

Plus tard, ce furent les lectures : l’histoire de l’Église, des papes, des conciles. Je découvris la théologie et la prière.

Mais pour moi, longtemps, l’Église fut d’abord le territoire des bonnes familles. Aller à la messe s’inscrivait dans un ensemble de pratiques, de codes et de discussions qui ne m’étaient pas familiers. C’étaient des activités qui ne me plaisaient pas, une sociologie qui ne me convenait pas, des discussions qui ne m’intéressaient pas et des réprobations que je ne partageais pas. 

Alors, Dieu, je suis allé Le chercher ailleurs.

C’est toi, François, qui nous as invités à sortir. Aller vers les périphéries : non seulement les périphéries géographiques, mais aussi celles de l’existence – celles du péché, de la souffrance, de l’injustice, de l’ignorance, du doute. Les périphéries de la pensée, de la misère, de l’absence de foi.

À mon échelle, j’ai essayé de répondre à cet appel. Et grâce à toi, j’ai rencontré des hommes et des femmes venus de mondes que j’ignorais. J’ai entendu des paroles que je ne comprenais pas toujours, j’ai affronté des objections que je ne partageais pas. Et dans cet inconfort, dans ce déplacement, j’ai perçu la grâce.

Tu nous as dit qu’il fallait « apporter Jésus » dans ces périphéries. Je ne sais pas si je l’ai apporté. Mais, en sortant de moi-même, j’ai fini par Le rencontrer. Il fut incarné dans des visages, il me fut décrit en des phrases bancales … et son amour m’apparut sur une croix, pleine de sueurs, de larmes et de souffrance, cloué dans la chair blessée de ceux qu’on rejette, dans les sécrètes blessures des corps que l’on veut bannir.

Je ne L’ai pas porté. Ce sont les périphéries qui me L’ont montré.

J’avais appris que la beauté résidait dans l’équilibre des formes, l’harmonie des couleurs. Tu m’as enseigné qu’elle pouvait aussi surgir des cultures autres, des traditions méconnues, de l’histoire de peuples que nous avions trop souvent regardés de haut. J’avais grandi dans une Église de pierres gothiques et de motets polyphoniques. Tu m’as appris que l’Évangile ne se prêche pas dans l’abstraction, mais s’incarne dans chaque culture. En allant à la rencontre de nos frères de chaque parcelle du monde tu m’as fait voir une fraternité unie au Christ, tu m’as ouvert aux mille formes de prière de nos frères du monde entier, aux beautés qui ne m’étaient pas familières. 

J’ai tendu des mains. Je l’ai fait en me souvenant de tes mots : que celui qui aide doit le faire en regardant dans les yeux et en touchant les mains de celui qui demande. Dans cet acte, il y a déjà l’Évangile.

À tes côtés, j’ai découvert la radicalité de l’Évangile. J’ai même réappris à aimer ces bonnes familles qui m’avaient fait fuir, à m’intéresser à leurs messes, à prier avec elles. 

J’ai aussi rencontré mes contemporains – athées, agnostiques, sceptiques – et compris, à travers toi, qu’ils pouvaient être ces hommes et ces femmes de bonne volonté que Dieu n’oublie jamais.

Dans une Église ébranlée par les révélations douloureuses de son histoire, face à certaines figures autrefois aimée et qui révélèrent leurs faces sombres, tu m’as appris à puiser mes repères non dans les figures humaines, mais en Dieu seul. 

Tu m’as aussi appris à trouver des ressources au sein d’une société qui avait choisi de laisser Dieu de côté. Oui : bienheureux sont les affamés et assoiffés de justice. 

Enfin, face aux mille fragilités des situations, tu m’as appris que Dieu est d’abord le visage de la miséricorde avant que d’être le lieu de toutes les rigidités. 

Merci, Seigneur, pour ce pontificat. Merci de nous avoir donné un pape qui a rappelé qu’une Église enfermée sur elle-même devient malade, auto-référentielle, minée par un narcissisme spirituel. Merci de nous avoir enseigné que nous ne portons pas notre propre lumière, mais que nous sommes appelés à refléter celle du Christ.

Merci de nous avoir appelés à sortir, à marcher vers ceux que l’on n’attendait pas. De nous avoir rappelé que l’Église n’est jamais aussi fidèle à son Seigneur que lorsqu’elle va vers les pauvres, les blessés, les exclus.

Merci de m’avoir appris que l’évangélisation demande de l’audace, de l’humilité et du dépouillement.

Très Saint Père, merci.

Pierre Téqui

 

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