Le Sénat veut écarter les associations des centres de rétention et poursuit son offensive anti-migrants
15 mai 2025Cinq associations, dont la Cimade et France Terre d’Asile, sont actuellement mandatées par l’Etat pour intervenir dans les CRA, où elles accompagnent les personnes retenues en leur octroyant information et assistance juridiques. Bruno Retailleau estime qu’elles « entravent » l’action de l’Etat « par pur militantisme ».
Le Sénat poursuit son offensive anti-migrants. Après le conditionnement de certaines prestations sociales pour les étrangers adopté en mars, les sénateurs ont voté ce lundi 12 mai pour retirer aux associations présentes dans les centres de rétention administrative (CRA) leur mission de conseil juridique aux étrangers retenus en vue de leur expulsion. Un dispositif vivement soutenu par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau et critiqué à gauche.
« Il est grand temps de se dire que ce ne sont pas les associations qui définissent la politique de l’Etat » : la sénatrice Les Républicains (LR) Marie-Carole Ciuntu n’a pas caché ses intentions au moment de présenter une proposition de loi devant la Chambre haute.
Son texte, adopté à 227 voix contre 113, vise à écarter les associations des CRA pour confier « le rôle d’information sur l’accès au droit de l’étranger » à l’Office français de l’Immigration et de l’Intégration (Ofii), organisme placé sous la tutelle du ministère de l’Intérieur.
Une « massification » des recours contentieux
A l’heure actuelle, cinq associations dont la Cimade, France Terre d’Asile ou encore Forum Réfugiés sont mandatées par l’Etat dans le cadre d’un marché public pour intervenir dans les CRA, où elles accompagnent les personnes retenues en leur octroyant information et assistance juridiques.
Mais ces dernières, selon Bruno Retailleau, « outrepassent leurs missions et les retournent en réalité contre l’Etat en entravant son action par pur militantisme », a martelé le candidat à la présidence de LR, soutenant « avec force » ce texte de ses anciens collègues de la droite sénatoriale.
La majorité sénatoriale, une alliance droite-centristes, considère par ailleurs que l’organisation actuelle entraîne une « systématisation » et une « massification » des recours contentieux.
Le transfert de cette compétence, d’une part vers l’Ofii (pour informer les étrangers retenus) et dans un deuxième temps vers les avocats (pour l’assistance juridique), offrirait par ailleurs selon elle plus « d’impartialité », et entraînerait des économies pour l’Etat, chiffrées à 6,5 millions d’euros par Bruno Retailleau.
« Une véritable régression »
L’ensemble de la gauche et une poignée de centristes se sont opposés au texte durant des débats assez vifs, craignant une atteinte « aux principes fondamentaux du droit » et à la liberté d’association.
Le sénateur communiste Ian Brossat a dénoncé « une véritable régression, un recul organisé et assumé du droit des personnes enfermées à disposer d’une information juridique indépendante, neutre et effective ».
Les associations concernées par ce texte sont, elles aussi, vent debout : dans une tribune au « Monde » publiée dimanche, elles ont craint « un coup fatal à l’exercice des droits des personnes privées de liberté et à la transparence démocratique ».
Cette proposition de loi est désormais transmise à l’Assemblée nationale avec une « procédure accélérée » d’examen activée par le gouvernement, qui pourrait permettre un parcours parlementaire plus rapide.
Par Le Nouvel Obs avec AFP