Christianisme : « Effectivement, Éric Zemmour, la messe n’est pas dite ! »

Le collectif Lutte et contemplation mène une « action non-violente et joyeuse » en plaçant des marque-pages à l’intérieur du livre La Messe n’est pas dite, d’Éric Zemmour, publié mercredi 22 octobre. Ses membres veulent dénoncer l’instrumentalisation du christianisme par les discours politiques d’extrême droite.

Depuis les législatives anticipées de l’été 2024, nous avons mené en interne une réflexion de fond sur notre engagement chrétien contre les idées d’extrême droite. Nous ne pouvions pas laisser passer l’annonce de la sortie du livre d’Éric Zemmour La messe n’est pas dite sans nous mobiliser et répondre avec force : non, effectivement, la messe n’est pas dite !

En tant que chrétiens et chrétiennes, nous refusons de laisser les discours politiques d’extrême droite instrumentaliser notre religion. Le christianisme, c’est la foi en Jésus-Christ, qui a pour ce monde un projet d’amour, loin de la division et de la méfiance prônées par l’idéologie identitaire d’Éric Zemmour. Afin de réaffirmer notre volonté de mettre notre foi en acte à la suite du Christ, nous avons choisi de mener une action non-violente et joyeuse en plaçant, dans des exemplaires de son ouvrage disponibles à la vente, des marque-pages qui dénoncent ce dévoiement de notre religion.

« Confusion entre identité et religion »

Selon nous, Éric Zemmour déforme l’histoire (1) pour diffuser l’idée d’une société passée homogène, fondée sur le mythe d’une Europe judéo-chrétienne. N’oublions pas qu’elle est en réalité le fruit d’un brassage culturel pluriel qui ne se limite pas aux civilisations gréco-romaines !

Dans sa vision d’une culture européenne figée, Éric Zemmour désigne explicitement les populations issues de l’immigration en général, et musulmanes en particulier, comme étant les étrangers, ceux dont il refuse de se faire proche. Il prétend que les sociétés européennes furent construites par – et surtout pour – les chrétiens et les Blancs. À travers ces idées, il ne représente pas les intérêts des exclus, mais bien ceux des puissants.

Nous croyons que c’est justement cette confusion entre identité et religion qui explique en partie la déchristianisation que déplore Éric Zemmour. Une Église obsédée par le maintien de ses traditions et de son identité ne peut toucher les cœurs. Surtout, elle manque à sa mission principale : « la prédication de l’Évangile pour la rédemption de l’humanité et la libération de toute situation oppressive ». Seule une Église qui n’a rien à perdre et tout à donner peut toucher les cœurs.

Une résistance « simple, joyeuse, non-violente et créative »

Gardons en tête le contexte politique et médiatique dans lequel Éric Zemmour choisit de publier son livre. Ce multimillionnaire est bien ancré dans le monde des médias français. Son livre est édité chez Fayard, acquisition de Vincent Bolloré via le groupe Hachette. C’est d’ailleurs ce multimilliardaire breton qui lui donne une visibilité sans contradiction sur les chaînes du groupe Canal+, et inonde les médias français d’un récit identitaire appuyé sur la peur de l’autre pour nourrir volontairement les discours politiques de l’extrême droite.

Le succès d’Éric Zemmour n’est en réalité pas tant un plébiscite populaire que le résultat d’un matraquage médiatique par ses relations influentes. C’est pourquoi nous résistons de façon simple, joyeuse, non-violente et créative en glissant des marque-pages dans ses livres. Nous ne pouvons rivaliser avec cet empire médiatique mais nous pouvons nous mobiliser pour rappeler que cette vision ne représente pas tous les chrétiens, ni même la vision « catholique », ouverte et vivante dans l’universalité, qui anime l’Église.

« L’amour construit une fraternité ouverte à tous, sans exception »

Nous comprenons qu’il puisse y avoir des peurs dans un monde en perte de repères et nous entendons le besoin d’enracinement qui en découle. Cependant, nos racines puisent avant tout à la source inépuisable de l’amour du Christ.

Animés par l’Espérance, le chemin que nous voulons suivre est celui de Jésus qui se révèle à ceux que la société considère comme infréquentables. Il dîne chez les publicains, libère la femme adultère, guérit les lépreux et jusqu’à l’enfant du centurion romain, qui représente pourtant l’envahisseur… C’est même à la Samaritaine, à une étrangère, qu’il commence à révéler la teneur de son Royaume !

Ainsi, comment se prévaloir d’une culture chrétienne tout en excluant des pans entiers de la société ? Comme l’écrivait en février 2025 le pape François, à l’unisson avec le cardinal Robert Francis Prevost – futur pape Léon XIV –, pour corriger l’interprétation fallacieuse de J. D. Vance, vice-président de Donald Trump, au sujet du prochain : « Le véritable “ordo amoris” qui doit être promu est celui que nous découvrons en méditant constamment sur la parabole du “Bon Samaritain”, c’est-à-dire en méditant sur l’amour qui construit une fraternité ouverte à tous, sans exception. » (2)

« Nous refusons ce “judéo-christianisme” maurrassien »

Ainsi, là où Éric Zemmour reconnaît être « pour l’Église et contre le Christ » (3), nous refusons que ce « judéo-christianisme » maurrassien prenne en otage le christianisme en France, pour le mettre au service de son nationalisme populiste – à toutes fins utiles, nous rappellerons que Charles Maurras et l’Action française ont été condamnés pour ce même corpus d’idées par le pape Pie XI en 1926.

Nous nous désolidarisons et nous opposons radicalement à cet usage identitaire de notre foi. Dans « christianisme », il y a « Christ » – et les deux sont indissociables. On ne peut pas invoquer le christianisme en effaçant Celui qui en est le cœur, ni réduire l’Évangile à une culture.

Alors il faut choisir : croire en la renaissance d’une chrétienté fantasmée, ou bien vivre de l’Espérance du Christ ressuscité qui cherche à nous rendre pleinement libre. Restons à l’écoute de Dieu qui nous fait une sublime promesse : « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’ôterai de votre chair le cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair. »

Collectif Lutte et contemplation

Chrétiens engagés dans les luttes sociales et écologiques

(1) Voir notamment l’ouvrage écrit par un collectif d’historiens, Zemmour contre l’Histoire, Paris, Gallimard, 2022

(2) Lettre aux évêques des États-Unis d’Amérique, 10 février 2025

(3) Dans l’émission Le Grand Face à Face, France Inter, 15 septembre 2018.


Lien à la Source

Notre histoire

Le collectif Lutte et Contemplation est né au cours de l’année scolaire 2022 – 2023. Il est le fruit de la fusion d’une double dynamique qui résonne avec le nom du collectif : un groupe de prière et d’échange et un groupe de mobilisation.

Le groupe de prière Lutte et Contemplation

En septembre 2022, nous sommes quelques jeunes chrétiens à nous retrouver autour d’un constat : les chrétiens que nous fréquentons prient peu pour la préservation de la Création et nous sentons le désir d’avoir un espace de partage et de prière avec d’autres jeunes chrétiens engagés dans les luttes écologiques et sociales de notre époque. Nous sommes une dizaine à nous retrouver à l’église Saint-Ignace à Paris fin septembre pour prier ensemble et partager nos envies. Nous décidons de nous retrouver une fois par mois pour continuer ces échanges et ces prières. Pour organiser la suite de ces temps, nous créons un groupe Whatsapp que nous appelons Lutte et Contemplation. Nous sommes plusieurs à évoquer l’envie d’agir ensemble, et sommes d’accord sur le fait que ce groupe sera l’occasion d’écouter l’Esprit Saint et de voir comment il nous guide. Au fur et à mesure de l’année, nous sommes rejoints par d’autres chrétiens, la plupart venant de quelques mouvements ecclésiaux à Paris que nous fréquentons (la fraternité politique du Chemin Neuf, le Dorothy, la Maison Magis…)

 

Lien vers Lutte et Contemplation

 


 

Retour à l'accueil