Péchés capitaux : les sept racines du mal

Établis au cours du IVe siècle et systématisés au XIIIe siècle par saint Thomas d'Aquin, les sept péchés capitaux sont, dans la Tradition catholique, « capitaux » parce qu'ils entraînent tous les autres.
Orgueil, avarice, luxure, envie, gourmandise, colère, paresse : nous les côtoyons tous. Mais les connaissons-nous vraiment ?

L' orgueil
L'orgueil est le « péché par qui tout le mal arrive ».
Car celui qui en use nie que ce qui est beau en lui vient de Dieu en s'attribuant tous les mérites.
C’est le roi. Le capitaine des capitaux. Lui par qui tout le mal arrive. L'orgueil n'est pas une mésestime de soi, mais le « refus de dépendre de Dieu », selon les mots du F. Raphaël de Bouillé, sur la chaîne YouTube dominicaine ThéoDom. Il poursuit : « Le coeur du problème n'est pas que nous soyons exceptionnels — nous le sommes aux yeux de Dieu — mais que nous oublions que ce caractère vienne de Dieu. » Quand l'ange Gabriel dit « par le Seigneur », Lucifer dit « par moi-même ». « L'orgueilleux dit "Je suis", il prend la place de Dieu, remarque, en 2013, le P. François Potez alors curé de N.-D.-du-Travail (14°) lors d'une série de Carême autour des péchés capitaux réalisée par KTO. Les choses tournent autour de lui. Il se met au centre, regarde, compare, juge. » Cherchant en lui-même sa propre valeur, il est tout le temps inquiet alors que le fils de Dieu se sait aimé et chéri par Dieu. Comme il transgresse la loi de Dieu en lui préférant sa propre loi, l'orgueil « est le commencement de tout péché » selon la Tradition catholique (Vulgate traduite en latin par saint Jérôme au IVe siècle). Il prend nombre de masques : celui du perfectionnisme, d'une apparente humilité, du relativisme... Tout le monde se bat avec l'orgueil. Mais c'est aussi le péché le plus simple à combattre. Il s'agit avant tout de se remettre à Dieu. De se reconnaître pauvre devant lui en faisant mémoire des mots de Jésus : « Heureux les pauvres de cœur, le royaume des cieux est à eux » (Mt 5, 3).
• Isabelle Demangeat @LaZaab

L' avarice
Quelle autre figure que l'avare de Molière pour incarner l'amour immodéré de l'argent au point de le confondre avec sa propre vie ?
Dans une de ses épîtres, saint Paul dépeint les conséquences de l'avarice et de la cupidité, parmi lesquelles, une dépendance aliénante à la possession, décryptent le P. Pascal Ide et Luc Adrian dans Les 7 péchés capitaux ou ce mal qui nous tient tête (éd. Mame Édifa) : « Quant à ceux qui veulent amasser des richesses, ils se laissent prendre par une foule de convoitises insensées et funestes » (I Tm 6, 9-10). Autres conséquences : des « tourments de l'âme » ou encore, « l'abandon de ses devoirs d'État » (soit la « la ruine et la perdition » évoquées par saint Paul)... Comme une résonnance avec certains scandales écologiques — épuiser les ressources terrestres par intérêt marchand — ou ceux concernant la prise en charge de personnes en fin de vie dans certains Ehpad, dévoilant des méthodes de profit d'une rare cupidité. .. Selon la définition donnée par les prêcheurs dominicains du site catéchétique theodom.org, l'avarice est, en effet, cette attitude de l'homme qui consiste à désirer les richesses pour elles-mêmes ». « L'avare oublie tout ce à quoi une chose peut servir, pour ne voir de valeur que dans la chose elle-même », explique le catéchète dominicain. Le problème étant quand la possession devient une fin en soi, et l'Objet de cette possession, une idolâtrie. Devient avare celui qui ne donne plus et cupide celui qui veut toujours plus. Au-delà du matériel, il peut exister une avarice spirituelle, de notre temps, de notre intelligence, de nos forces. .. Alors que faire ? Goûter ce que Dieu nous donne, apprendre à donner, chercher la sobriété.
• Laurence Faure @LauFaur
La luxure
Souvent assimilée, à tort, au plaisir sexuel, la luxure est la manière de considérer son propre corps et celui de son prochain de manière avide.
Confondre la luxure [ ] et le désir qui rapproche les sexes, autant donner le même nom à la tumeur et à l’organe qu’elle dévore. Dans son journal d'un curé de campagne, Bernanos alertait sur une idée, souvent véhiculée, autour du péché de luxure. L'Église catholique ne condamne pas la sexualité. Au contraire, se fondant sur la Genèse, elle rappelle que la sexualité est « bonne », « très bonne ». Ce qu'elle condamne c'est « un désir désordonné ou une jouissance déréglée du plaisir vénérien », comme l'explique le Catéchisme de l'Église catholique (CEC, paragraphe 2351) où est précisé : « Le plaisir sexuel est moralement désordonné quand il est la luxure [ ] et le désir qui rapproche les sexes, autant donner le même nom à la recherché pour lui-même, isolé des finalités de procréation et d'union. » Concrètement, le CEC détaille deux types de luxure : la luxure extérieure — masturbation, fornication, pornographie, prostitution, viol — et la luxure intérieure. Car il s'agit avant tout ici d'une question de regard. Dans la luxure, l'autre n'est pas regardé comme une image de Dieu, mais comme un objet de plaisir. Le concupiscent réduit l'autre, ou lui-même, à ses parties désirables, érotiquement stimulantes. La luxure, qui se dit porneïa en grec, est l'exact opposé de la chasteté. Quand le concupiscent veut posséder l'autre pour son seul plaisir, le chaste se met en disposition de le recevoir. La luxure « fragmente le sujet en pulsions partielles, l'éclate, l'aveugle, l'aliène » , écrivent le P. Pascal Ide et Luc Adrian dans leur livre Les 7péchés capitaux ou ce mal qui nous tient tête. Elle attaque avant tout la liberté de l'homme en entraînant de grandes dépendances et travestit sa vocation à l'amour.
• Isabelle Demangeat @LaZaab

L' envie
On l'associe souvent à la jalousie, a tort.
L'envie est plus destructrice, telle une « fureur qui ne peut souffrir le bien des autres », disait La Rochefoucauld.
L’envie consiste à s'attrister du bien de notre prochain, comme s'il diminuait le nôtre expliquait saint Thomas d'Aquin. N'est-ce pas l'histoire de Caïn tuant Abel, irrité de voir son offrande divine repoussée, quand Dieu agrée celle de son frère ? « Pourquoi es-tu irrité ? dit le Seigneur à Caïn. Si tu agis bien, ne relèveras-tu pas ton visage ? Mais si tu n'agis pas bien.. le péché est accroupi à ta porte. Il est à l'affût, mais tu dois le dominer. » (Gn 4, 6-7). L'envie, invidia en latin, c'est « voir de travers », définit André Rauch, auteur de L'envie, une passion tourmentée (éd. Champ Vallon), dans une émission de France inter (Grand bien vous fasse !, le 15 mars 2022). Par la force du mal, elle transforme ce que Dieu a fait de bien, dégradant ce bien. L'envie peut pousser à la médisance, à la tristesse, la colère, parfois à la destruction, et même, à son paroxysme, au meurtre. Elle impacte en tout cas le groupe social auquel on appartient et parfois, le met en péril. Des mécanismes que l'on retrouve dans des grandes affaires de faits divers, telles que le meurtre de Grégory en 1984. Alors que faire ? Revenir au réel, propose André Rauch, sortir d'un silence mortifère dans lequel la passion monte crescendo à travers l'imagination... Mais aussi, proposent les prêcheurs dominicains du site theodom.org : cultiver la charité et une attitude spirituelle faite d'humilité et d'objectivité pour chasser les démons de la comparaison et de la jalousie ». Cultiver la joie devant les qualités de son prochain, servir.
• Laurence Faure @LauFaur

La gourmandise
« Jansénisme » ou vigilance ? Comment regarder le péché de gourmandise de manière équilibrée, pour savoir craquer... avec tempérance. 
Saint Thomas d'Aquin définit la gourmandise comme « le désir désordonné de nourriture », peut-on lire dans Les 7 péchés capitaux ou ce mal qui nous tient tête. Nous sommes gourmands, non lorsque nous « aimons ce qui est bon », disait le curé d'Ars, mais « lorsque nous prenons de la nourriture avec excès, plus qu'il n'en faut pour soutenir notre corps. » Comment se positionner face à nos gourmandises ? Chercher la vertu contraire de tempérance, proposent les prêcheurs dominicains sur leur site catéchétique theodom.org, cette forme d'« équilibre guidé par la raison ». La gourmandise étant finalement davantage le fait de se laisser contrôler par son désir de manger, de fumer ou de boire, que d'aimer ce qui est bon. S'agit-il juste de maîtrise de soi ? Pas seulement, répond le catéchète dominicain, puisqu'un excès de règles que l'on s'imposerait sur sa consommation serait aussi une forme de gourmandise : « Dans les deux cas, on met la nourriture au centre, au lieu de manger avec cœur.
Manger ne doit pas être plus important qu'aimer Dieu et notre prochain. .. « Ils vont à leur perte. Leur dieu c'est leur ventre », écrit saint Paul dans une lettre aux Philippiens (3,17 — 4,1). Ne compense-t-on pas parfois, lorsque nous sommes gourmands, un manque de saveur dans nos vies, un certain stress ? Alors que faire ? Goûter la contemplation de Dieu. Méditer la réponse de Jésus au désert : « Ce n'est pas de pain seul que vivra l'homme, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. »
• Laurence Faure @LauFaur   


La colère
Neutre en soi, la colère devient péché quand elle est manifestée avec violence ou quand son objet ou son intention sont malveillants.
II y a de saintes colères. Et la Bible en est truffée. « La colère qui monte en nous est un signal d'alarme pour nous indiquer que quelque chose ne va pas », F. Raphaël de Bouillé sur fréoDom. C'est finalement une énergie de positionnement qui survient quand des valeurs qui nous sont essentielles, telle la justice, la liberté ou encore la vérité, ne sont pas respectées. C'est ainsi que saint Jean Chrysostome formulait que « celui qui ne se met pas en colère quand il y a une cause pour le faire, commet un péché ». La colère est une émotion. Et comme telle, elle est neutre en soi. C'est la façon de l'accueillir, de la traverser et de l'exprimer, tout comme son objet et son intention, qui peuvent ne pas l'être. Pour s'assurer qu'une colère est bonne, le livre du P. Pascal Ide et de Luc Adrian donne trois critères : l’objet doit être juste, l'intention droite et la réaction mesurée. Le problème réside souvent dans ce dernier critère. Dans notre société, on assimile souvent colère à violence. Mais une colère peut être exprimée sans violence. C'est tout l'objet du livre de Carolle et Serge Vidal-Graf La Colère, cette émotion mal-aimée (éd. Jouvence) et, plus largement, de la « communication non violente » présentée par Thomas d'Ansembourg dans Cessez d'être gentils, soyez vrai ! (éd. de l'Homme). « Aucune parole mauvaise ne doit sortir de votre bouche, mais s'il y en a besoin, dites une parole bonne et constructive, bienveillante pour ceux qui vous écoutent », nous dit saint Paul dans sa Lettre aux Ephésiens (4, 29). Il y a péché quand, face à la colère, on accuse l'autre, on veut détruire celui qui nous met dans cette colère. C'est Hérode et le massacre des innocents. La colère est péché quand elle n'est pas maîtrisée.
• Isabelle Demangeat @LaZaab


La paresse
Traduite maladroitement à la Renaissance par « paresse », l'acédie est ce dégoût de la vie intérieure, la désertion du désir en soi.
Ce n'est que tardivement, vers la Renaissance, que la paresse prend place dans le septénaire. Auparavant, dans la liste établie par Évagre le Pontique, le mot utilisé était « acédie ». C'est d'ailleurs ce terme qui définit le mieux cette tristesse du bien divin ». « Il s'agit d'une démission très sournoise, explique le P. François Potez. Ce n'est pas le petit spleen passage. Mais ce renoncement au bonheur, cette absence d'écoute des désirs de son coeur profond. » C'est la maladie de Madame Bovary. Le « dégoût de l'action » selon les mots de saint Thomas d'Aquin. Attention cependant à ne pas confondre ce mal avec la dépression. Ces deux tristesses ont les mêmes symptômes. Mais le P. Pascal Ide et Luc Adrian rappellent que « la dépression est une maladie, un mal subi ; l'acédie, un péché, un mal responsable. » Dans la dépression, la tristesse accompagne une impuissance, parfois totale, à agir. Dans l'acédie, la capacité d'action demeure. Selon les auteurs du livre publié par Mame Édifa, elle se reconnaît par « l'impatience, l'instabilité, la dispersion et les diversions, les remises en question abusives… » Et se dissimule par « les justifications ».
L'acédique cherche de multiples compensations à son vide intérieur et se trouve un tas de raisons pour fuir l'oraison. La société actuelle, qui offre de multiples divertissements notamment via les réseaux sociaux, ne l'aide pas. Et pourtant, l'acédie est le vice ultime car sa première fille est le désespoir. Une âme qui ne désespère ne croit plus le Salut possible, elle ne s'appuie plus sur Dieu. Elle se regarde et se dégoûte.
• Isabelle Demangeat '@LaZaab

Paris Notre-Dame - 24 MARS 2022 - N01902 pages IV-VI

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