La reine Elizabeth II sortant d’une église après une célébration du Jeudi saint, le 13 avril 2017, à Leicester.ANTHONY

La reine Elizabeth II sortant d’une église après une célébration du Jeudi saint, le 13 avril 2017, à Leicester.ANTHONY

Le Royaume-Uni célèbre à partir de jeudi 2 juin le jubilé des 70 ans de règne d’Elizabeth II, le plus long de l’histoire de la monarchie britannique. Au-delà de son rôle officiel à la tête de l’Église anglicane, la souveraine entretient une foi vivante.

La couronne d’Angleterre s’apprête à célébrer jeudi 2 juin le jubilé de sa reine Elizabeth II, assise sur le trône depuis maintenant soixante-dix ans. Parmi les festivités, qui s’étaleront sur quatre jours, est prévue une messe à la cathédrale Saint-Paul de Londres. La célébration en l’honneur de cette reine très croyante ne sera pas présidée par le primat de l’Église d’Angleterre Justin Welby, positif au Covid-19. L’évêque d’York, Stephen Cottrell, officiera à sa place.
Pour Elizabeth II, cette messe ne sera pas une simple cérémonie protocolaire. Depuis son plus jeune âge, la reine n’hésite pas à évoquer publiquement sa foi. Elle n’avait encore que 26 ans et n’était pas couronnée lorsqu’elle prononça sa première allocution de Noël, véritable institution britannique au cours de laquelle chaque souverain adresse au Commonwealth ses vœux. « Priez pour moi… Que Dieu me donne la sagesse et la force de tenir les promesses solennelles que je prononcerai, et que je puisse Le servir, et vous, tous les jours de ma vie », avait-elle invoqué.
Une protestante assidue
Soixante-dix ans plus tard, ses discours demeurent empreints de la sensibilité religieuse de la reine à la longévité record dans l’histoire de la Couronne britannique. Une marque de fabrique surprenante et peu commune dans l’histoire de la monarchie anglaise. « Depuis le début des années 2000, la reine écrit elle-même ses allocutions de Noël pour le Commonwealth, relate Andrew N. Wilson, chroniqueur, écrivain et biographe de la reine. Ces émissions sont chaque année une sorte de témoignage public de sa foi en Jésus-Christ. »
Ces adresses prennent parfois la forme d’un sermon. En 2020, année marquée par la pandémie de Covid-19, Elizabeth II regrettait de ne pouvoir « célébrer normalement » la naissance de Jésus. « Les enseignements du Christ m’ont servi de lumière intérieure, tout comme le sens que nous pouvons trouver en nous réunissant pour adorer », se livrait-elle.
Les souverains britanniques, bien que porteurs des titres de « défenseur de la foi » et de « gouverneur suprême de l’Église d’Angleterre », ne sont pas forcément de fervents croyants. Sa spiritualité a contribué à faire d’Elizabeth II un monarque à part outre-Manche. « Pour comprendre son rapport à la foi, il faut distinguer la reine Elizabeth II, souveraine et formelle, et Elizabeth Windsor, dont la foi personnelle est vivante », sourit Gavin Ashenden, aumônier honoraire de la reine entre 2008 et 2017.
Ce titre, accordé à des religieux après un long ministère, lui a permis de côtoyer à plusieurs reprises la famille royale lors de réceptions ou d’offices. Selon lui, le fait que la souveraine exprime publiquement sa foi en dit long sur l’importance qu’elle accorde à Dieu. « L’équilibre constitutionnel exige que la reine n’exprime pas d’opinion personnelle, poursuit celui qui fut évêque anglican avant de se convertir au catholicisme. Aussi le fait qu’elle parle ouvertement de sa foi n’est pas anodin. »
Héritière d’une tradition familiale
Derrière les portes closes, Elizabeth II est très pratiquante. « Chacun sait que la reine dit ses prières, lit la Bible et se rend à l’église chaque semaine », relate Matthew Dennison, auteur de la biographie La Reine. Au début du mois d’octobre 2021, la souveraine ne s’était pas rendue à l’église lors de l’office dominical, en raison d’examens qu’elle effectuait à l’hôpital. La presse d’outre-Manche s’était alors inquiétée de cette absence inhabituelle, alimentant les spéculations sur son état de santé.
« C’est sa mère, Elizabeth Bowes-Lyon, qui lui avait enseigné la répétition formelle des prières du soir et l’assiduité à l’église, poursuit Matthew Dennison. Elle était très à cheval sur la tradition. » « Si la mère d’Elizabeth II lui a inculqué cela, c’est davantage de son père, un chrétien de cœur, qu’elle tient sa foi, nuance Andrew Wilson. Il lui a transmis une foi très profonde et très personnelle, qui se raccrochait à Dieu dans les moments difficiles : il tenait, par exemple, à une journée nationale de prière durant la guerre. »
Outre sa pratique personnelle, la reine prend très au sérieux son rôle représentatif à la tête de l’Église d’Angleterre et de son clergé. « Sa sœur, la princesse Margaret, m’avait un jour confié que la reine se considère comme la représentante de Dieu dans le pays, se rappelle Andrew Wilson. Elle s’inquiète du déclin de l’Église d’Angleterre et s’investit personnellement dans la nomination des évêques et de son aumônier personnel. »
Amitié avec Billy Graham
Mais la souveraine est avant tout une fervente chrétienne. « Elle restera comme la plus œcuménique des monarques », affirme Matthew Dennison. L’une des rencontres les plus révélatrices de la spiritualité ouverte de la reine, tout comme l’une des plus controversées, a été celle avec le célèbre pasteur baptiste américain Billy Graham.
Leur première rencontre a donné naissance à une amitié qui s’est poursuivie durant les décennies suivantes, jusqu’à la mort du pasteur en 2018. C’est depuis Londres, en 1954, que le pasteur, qui aura prêché durant sa vie devant 200 millions de personnes dans 185 pays, avait lancé ses « croisades » évangélisatrices en faveur de la conversion et du pardon des péchés par Jésus-Christ.
La série The Crown a mis en scène leur rencontre sur le petit écran. Dans un épisode, la reine apparaît aux côtés de Billy Graham et lui demande comment pardonner à son oncle, le duc de Windsor, son implication dans le parti nazi pendant la Seconde Guerre mondiale. Si les biographes ont par la suite réfuté la tenue d’un tel échange, il n’en demeure pas moins que ces deux figures ont développé une relation amicale et spirituelle. « Billy Graham a été convié à dîner et à prêcher à la chapelle de Windsor, raconte Gavin Ashenden. La reine a grandement apprécié leurs échanges : ils partageaient un attachement profond à la Bible. »
Une reine ouverte à l’Église romaine
Même à l’égard des catholiques, longtemps décriés outre-Manche et vus par la reine Victoria comme un risque pour l’équilibre du pays, Elizabeth II se montre très ouverte. « Elle appelait le cardinal Basil Hume “notre cardinal” et était très affectueuse avec le cardinal Murphy-O’Connor, témoigne le dominicain Timothy Radcliffe, ancien provincial d’Angleterre et maître de l’ordre des prêcheurs. Elle a aussi nommé un catholique lord-chambellan (le fonctionnaire en chef de la Cour, NDLR), une première depuis la Réforme ! » Elizabeth II a rencontré cinq papes durant son règne. Seuls Jean-Paul Ier, décédé après trente-trois jours de pontificat, et Paul VI n’ont pas croisé le chemin de la reine d’Angleterre.
En 1995, Elizabeth II provoquait le mécontentement d’une partie de sa population, attachée à l’anglicanisme d’État, en assistant à des vêpres catholiques en la cathédrale de Westminster, pour les 100 ans de l’édifice. Cette manifestation de sympathie a conduit un haut responsable du Vatican à qualifier la souveraine de « dernier monarque chrétien » auprès de la presse londonienne.

Matthieu Lasserre, 

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