NOUS NE POUVONS PAS NOUS TAIRE !
(Actes des Apôtres, chapitre 4, verset 20).
Les drames vécus, ces derniers mois, par des familles de la migration ont mis en lumière l’inhumanité du sort que leur réserve notre société.
Rappelons-nous ces images terribles de squats ravagés par des incendies où beaucoup d’étrangers (en situation régulière ou non) ont péri en août dernier… et ces autres squats vidés par la police les jours suivants, plus par souci médiatique que par préoccupation humanitaire.
Nous avons été révoltés par les évènements récents du Maroc où la police a abattu froidement des hommes qui tentaient d’escalader les barbelés … et où ensuite des centaines d’autres ont été reconduits et abandonnés au milieu du désert.
Mais savons-nous qu’il y a aujourd’hui en France une véritable « chasse » aux étrangers sans-papiers ?
des enfants arrêtés dans les écoles pour les conduire en centre de rétention ou pour forcer leurs parents sans-papiers à se livrer.
des arrestations sur les marchés, dans les jardins publics ou à domicile, comme le 18 octobre dernier où la police a débarqué, à 7 heures du matin, chez Mme X, (en France depuis 2001, bien intégrée dans son village normand après avoir fui son pays, le Congo, où elle avait subi de nombreux sévices), et l’a emmenée on ne sait où, alors qu’elle avait entrepris les démarches en vue de se marier avec un français.
des centres de rétention où l’on sépare les familles (comme cette famille de St Brieuc où le mari se retrouve dans l’Est de la France et sa femme à Oissel près de Rouen).
Savons-nous l’extrême difficulté aujourd’hui d’obtenir l’asile politique en France,(même si des articles de presseindiquent que telle personne est recherchée par la police politique de son pays, que tel membre de sa famille vient d’y être assassiné …). Pour accéder à la préfecture, beaucoup d’étrangers doivent passer la nuit dehors à attendre leur tour… et souvent revenir plusieurs fois de suite.
Cette « chasse » généralisée aux étrangers n’est pas l’effet du hasard mais l’application d’instructions données le 9 septembre dernier par le ministre de l’Intérieur aux préfetsles enjoignant d’atteindre l’objectif de 23000 éloignements d’étrangers en situation irrégulière en 2005 et les appelant, surtout « les préfets dont les résultats sont inférieurs à la moyenne » à « accentuer l’effort ».
Mais savons-nous aussi que, en juillet dernier, profitant de l’été, le gouvernement a publié 2 décrets rendant presque inaccessible l’Aide Médicale d’Etat aux étrangers sans titres de séjour, avec pour conséquence de les exclure pratiquement des soins et donc du droit à la santé. De plus, plusieurs centres d’accueil de jour (avec possibilité de repas, douches …) ont été fermés ces dernières semaines.
Responsables diocésains de la Pastorale des Migrants de Normandie, NOUS SOMMES TEMOINS, DE LA PART DES ETRANGERS QUE NOUS RENCONTRONS, D’ UNE GRANDE VOLONTE D’ INTEGRATION,
par le travail (alors qu’ils n’y ont pas droit tant qu’ils n’ont pas obtenu leur régularisation), par la scolarité des enfants, par leur volonté de faire des études supérieures (mais sans droit de passer les examens s’ils n’ont pas obtenu leurs papiers), par leur participation à de multiples associations …Nous pouvons témoigner de la richesse pour eux comme pour nous de tous ces liens créés.
Mais la situation de non droit à laquelle ils sont souvent condamnés, les refus répétés du titre de séjour qui leur permettrait de vivre en situation régulière, les menaces permanentes de renvoi dans leur pays …ne sont-ils pas des encouragements à rester dans la clandestinité ?
Nous disons qu’il est INACCEPTABLE :
de considérer la solidarité avec toute personne en situation irrégulière comme un délit … passible de condamnation (n’a-t-on pas été jusqu’à empêcher, à Cherbourg, de donner à manger à des Irakiens sans-papiers ?). Nous ne pouvons que dénoncer l’inhumanité d’une telle interdiction.
de faire un choix entre les migrants … en faisant venir (même à prix d’or) celui qui va nous être utile … et en rejetant celui qui, en danger dans son pays, espérait trouver chez nous un asile.
de sous-traiter le contrôle des entrées des étrangers dans l’Union Européenne à des pays se situant à l’extérieur des frontières de l’Europe (Maroc, Algérie, Libye, Ukraine…) où on établit des camps d’enfermement, en obligeant ces pays (contre des crédits importants) à coopérer à la lutte de l’Union Européenne contre l’immigration clandestine. Alors que la communauté internationale affirme combattre la pauvreté, l’Union Européenne combat les pauvres !
Devant l’inhumanité et devant la criminalisation de la solidarité, nous tenons à affirmer que la SOLIDARITE à toute personne en danger (même si elle se trouve en situation irrégulière) s’impose à chaque conscience humaine. Ce serait un acte de non-assistance à personne en danger que d’obéir à des ordres interdisant de donner à manger à celui qui a faim, de vêtir celui qui a froid, de donner un toit à celui qui n’a que la rue …
Pour nous, croyants en Jésus-Christ, tout homme, quel qu’il soit, est IMAGE DE DIEU (cf. Récit de la Genèse ch. 1er). C’est dire la grandeur, la dignité, le caractère sacré de chaque personne humaine et le respect, l’attention … qui lui sont dus, surtout lorsqu’elle est fragile, faible, vulnérable. Jésus-Christ ne s’est-il pas identifié à celui qui a faim, soif, à celui qui est étranger, malade, prisonnier (cf. Evangile de Matthieu ch. 25) ?
Chrétiens, n’ayons pas peur de prendre nos responsabilités !
Mobilisons-nous pour un développement solidaire.
Soyons aux côtés de ceux que notre société refuse de traiter comme des êtres humains.
Apportons la contradiction quand les étrangers sont considérés comme responsables de ce qui leur arrive.
Ne laissons pas faire ceux qui affirment que la fermeture des frontières ou le choix des « bons immigrés » sont de bonnes solutions face à la situation du monde.
N’attendons pas que d’autres fassent à notre place !
Rejoignons tous ceux qui entrent en résistance devant l’inacceptable.
Ils sont porteurs d’Espérance !
L’ Europe a voulu se définir comme
« ESPACE PRIVILEGIE DE L’ ESPERANCE HUMAINE ».
Ne laissons pas jeter aux orties cette belle idée !
Décembre 2005
Les responsables diocésains
de la
Pastorale des Migrants de Normandie.
Contact : Pastorale des Migrants
137, rue Saint Julien - 76100 Rouen