Homélie du 27 Août 2006 à Chalencon (Ardèche)
 
Au début de ce même chapitre 6ème de l’Evangile de Jean dont est extrait le passage que nous venons d’entendre (deux pages avant celle-ci), c’est une foule très importante qui suit Jésus. C’est le récit de la multiplication des pains. Ce sont les miracles de Jésus : Jésus marche sur la mer, il commande au vent et à la tempête. Jésus est au plus haut dans les sondages. Tout le monde se presse auprès de lui : ce sont cinq mille hommes qui l’accompagnent sur la montagne. Jésus a ces paroles étranges : « Je suis le Pain vivant qui descend du ciel. Celui qui mangera de ce pain vivra pour l’éternité. Et le pain que je donnerai, c’est ma chair pour que le monde ait la vie.. » C’est à partir de ce moment là que les juifs récriminèrent contre lui : « comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? ». Et voici que dans le récit d’aujourd’hui, la foule lâche Jésus. Pourquoi ?
Le peuple, l’homme de la rue (dont nous faisons tous spontanément partie) achoppe sur ces paroles de Jésus. Comme pour les juifs à l’époque de Jésus, elles sont encore aujourd’hui objet de scandale. On veut comprendre, expliquer et on balbutie, comme l’enfant qui commence à parler. La revendication de l’homme d’aujourd’hui très imprégné de ses succès sur le monde et sur la nature, c’est de pouvoir maîtriser, dominer, expliquer. Nous sommes à l’apogée des sciences et des techniques. Mais on n’a pas la maîtrise de la foi. La foi, on ne la domine pas. On ne peut ni la mettre en formules, ni en règles de conduite…
La foi n’est pas une évidence, ni une science au bout du chemin de la connaissance. Elle n’est pas bien sûr non plus une idéologie arbitraire pour soumettre l’homme à un quelconque pouvoir.
La foi est reçue comme un cadeau : encore faut-il l’accueillir, la désirer, la protéger…
La foi est donnée à celui qui veut bien s’y aventurer. Comme l’enfant qui se met à marcher : il doit prendre des risques : le risque du déséquilibre, de la chute, en lançant tout son corps en avant pour passer d’un pied sur l’autre. Il y a un risque dans l’aventure de la foi : celui de « décrocher » de la réalité et de s’abîmer dans « le vide de l’illusion ». Ce qui nous tient en équilibre dans la foi, c’est « notre expérience » de croyant : « A qui irions-nous, Seigneur ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons et nous savons que tu es le Saint, le Saint de Dieu ».
La foi c’est comme l’amour, ça ne se commande pas, « ça se vit ». La foi c’est accueillir cet immense cadeau de Celui qui a donné sa vie pour nous : en se faisant l’humble serviteur de l’humanité, en ouvrant ce chemin de l’amour universel où l’homme n’est plus un loup pour l’homme. Jésus nous révèle par tous les actes de sa vie, en libérant « l’Esprit » qui parlait et agissait déjà par les prophètes, que nous avons tous un seul Père, le Père du Ciel et donc que nous sommes tous frères et sœurs.
L’homme cherche le succès, les honneurs et la puissance. Jésus nous apprend la joie de donner sa vie pour ceux qu’on aime (c’est la définition que donne Jésus de l’Amour), la joie du service. Les premiers seront les derniers, les derniers seront les premiers. L’Evangile est un retournement, une « conversion » (comme on fait au ski pour se retourner dans la pente, en changeant ainsi totalement de perspective). Voilà pourquoi beaucoup de ceux qui étaient attirés par les succès et les pouvoirs de Jésus sont vite découragés et abandonnent à la première difficulté : lorsqu’il s’agit de « s’aventurer » eux-mêmes, de prendre le risque de « croire », c'est-à-dire de mettre en actes l’Amour que Dieu lui-même nous révèle comme le cœur du « mystère » !
Le chrétien est celui qui « nage à contre courant » en remontant le fleuve vers la source.
En pensant à nos parents qui jusqu’au bout ont tenu leur « lampe allumée » j’ai envie de vous confier cette parole du grand Rabbin de France Joseph SITRUK. Vous savez que Joseph SITRUK a subi une attaque cérébrale en 2001 et qu’il a été 3 semaines durant dans le coma. Il lui a fallu la prière de ses frères, la foi incroyable de son épouse et un courage à déplacer les montagnes pour s’en sortir. Aujourd’hui il a recouvré bien des capacités physiques et intellectuelles. Il vient de publier un livre qui s’intitule « rien ne vaut la vie ». Et dans une interview à la radio pour résumer son livre, il a dit ceci : « la réussite de l’homme n’est pas dans ses succès, mais dans ses combats. Le plus important est de demeurer un battant » !
Croyants ou non nous sommes tous marqués par notre « fragilité », notre besoin de sécurité, de puissance et de force. Nous ne sommes jamais dispensés d’erreurs, de chutes ou de trahisons. Mais l’extraordinaire message de l’Evangile sur le quel nous sommes invités à fonder notre vie : « L’amour supporte tout, il endure tout, il espère et fait confiance.. L’Amour ne passera jamais » !
Denis Chautard
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