moissonneurs   

« Après cela, le Seigneur en désigna encore soixante-douze, et il les envoya deux par deux devant lui dans toutes les villes et localités où lui-même devait aller.

Il leur dit : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers pour sa moisson.

Allez ! Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups.

N'emportez ni argent, ni sac, ni sandales, et ne vous attardez pas en salutations sur la route.

Dans toute maison où vous entrerez, dites d'abord : 'Paix à cette maison.'

S'il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous.

Restez dans cette maison, mangeant et buvant ce que l'on vous servira ; car le travailleur mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison… » Luc 10,1-7 

La moisson, c'est l'achèvement du parcours quand la terre ensemencée a produit son fruit. Après le temps des semailles et de la croissance, vient le temps de la récolte. C'est pour la moisson que Jésus envoie les soixante-douze disciples. L'Evangile nous prend encore à contre-courant: nous avons tellement de propension à penser l'annonce de la Bonne Nouvelle de Jésus comme l'ensemencement» de la Parole !

La mission des disciples du Christ, au service de la Parole vivante c'est d'aller moissonner là où ils n'ont pas semé et non de répandre un message ou une doctrine quelconque ! «La moisson est abondante mais les ouvriers sont peu nombreux. » Peut-être sont-ils nombreux ceux qui prétendent semer ou planter, alors que pour la moisson, les ouvriers manquent ! Il y a tant de villes et tant de lieux où il s'agit d'être présents, là où le Seigneur «devait aller lui-même». Jésus avait déjà appelé les Douze, il démultiplie le nombre (soixante-douze); pourtant, c'est bien trop peu pour la moisson qui attend !

Que la moisson soit si abondante, c'est ce qui devrait nous réjouir ! Au lieu d'avoir l'humeur chagrine en voyant le nombre des fidèles se réduire comme peau de chagrin dans les églises, laissons-nous entraîner ailleurs par cet Evangile ! Notre souci même de transmettre est inadéquat, car nous pensons savoir ce qu'il faut transmettre, alors que les moissonneurs envoyés ne savent même pas ce qu'ils ont à récolter, ils font confiance. Les envoyés précèdent le Seigneur, là où se nouent toutes les relations humaines, tous les réseaux des villes. La parole de Jésus les pousse en avant de lui, les oriente et leur assure la force. Les moissonneurs aux pieds nus sont envoyés « comme des agneaux au milieu des loups ». Ils sont vulnérables, ils sont sans réserves ni argent pour assurer leur subsistance, ils n'ont ni bagage, ni équipement; quelle fragilité et quel dénuement ! Leur particularité, c'est le manque. Ils n'ont rien à vendre ou à négocier, ils ont tout à attendre de ceux qui les reçoivent.

Agneaux au milieu des loups, ils courent le danger de se faire dévorer par la logique du monde, celle qui comptabilise, gère, produit, exploite et assure sa domination. Leur vie qu'ils exposent ne repose pas sur eux-mêmes, elle se fonde sur la Parole de Celui qui les envoie. Leur «nudité» est celle des nouveau-nés, témoins privilégiés de Celui qui les envoie, d'une vie nouvelle qui advient. Leur souhait de paix est la marque de la gratuité de leur venue.

Ils entrent à la seule condition que leur paix trouve dans la maison, un ami de la paix ou, traduction plus juste: «un fils de paix» engendré de cette paix donnée et reçue. Voilà le travail des moissonneurs : entrer dans une maison pour y trouver celui-là dont le désir est en attente, demeurer chez lui et y récolter les fruits de la paix, ou plutôt «recueillir un fils de paix». Il ne s'agit pas de passer de maison en maison : pas question de faire dans la rentabilité! Pour chaque «binôme» envoyé, il suffit d'une seule maison qui s'ouvre. Cela suffit pour que la source de la Vie jaillisse. Fils et filles de paix, heureuse nouvelle, voici les moissonneurs qui viennent ! 

Malou LE BARS

Témoignage Chrétien n° 3547 du 4 juillet 2013 page 4

 

Retour à l'accueil