À Gap, Mgr Malle se positionne en faveur des « exilés qui passent par nos montagnes »"
24 juin 202520 juin, c’est la journée mondiale des réfugiés. Le terme « réfugié » désigne toute personne « craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ». Ce n’est pas facile de démontrer que c’est le cas pour les 130 029 demandeurs d’asile qui ont fait une demande en 2024. L’Église est mise au défi de l’accueil de ces personnes, même si Mgr Malle reconnaît qu’il n’a pas la solution. En 2017, il arrive dans les Hautes-Alpes où le pape François vient de le nommer évêque de Gap-Embrun. Le nombre de migrants qui passent par les cols a explosé. Rien ne l’avait préparé à y faire face, lui qui était prêtre en ruralité dans le diocèse de Tours.Il raconte comment il a été entraîné là où il n’avait pas prévu d’aller. Il explique aussi les raisons de son engagement et explore les idées parfois fausses ou déformées que nous nous faisons sur les migrations.
Nous sommes tombés dans la mondialisation de l'indifférence" dénonçait le Pape François en 2023 en visite à Marseille. "Les migrants doivent être accueillis, protégés ou accompagnés, promus et intégrés" poursuivait-il dans un discours devant Emmanuel Macron. 2 ans après, la situation a trop peu évolué au goût de Mgr Xavier Malle, évêque de Gap. Dans un livre, Ces exilés qui passent par nos montagnes, l'évêque prend position en faveur de l'accueil des migrants, dans une période où le ministère de l'Intérieur réalise des actions chocs anti-immigration "irrégulière et clandestine".
Le diocèse de Gap, terre d'accueil de migrants
Proche de la frontière italienne, dans le massif alpin, Gap est une ville d'acceuil pour de nombreux migrants arrivant d'Italie. Si la gendarmerie et la police aux frontières multiplient les opérations de contrôle et de surveillance, de nombreux migrants clandestins parviennent à échapper à leur vigilance. Mgr Malle a notamment l'occasion de les voir à Gap, une fois que les réfugiés atteignent la ville. "Les mineurs non accompagnés, eux, descendent à Gap. Quand un exilé mineur arrive en France, il doit aller dans une préfecture pour se faire reconnaître mineur, et c'est pour ça qu'il descend sur Gap. Tous les autres, les majeurs, sont accueillis par ce qu'on appelle le refuge solidaire qui est un lieu qui leur permet de se refaire une santé, parce que le passage des cols de haute montagne est d'une part très dangereux, mais aussi très fatigant. Ils restent quelques jours au refuge, puis après ils reprennent la route la plupart, vont en direction de Calais." Gap n'est donc qu'un point d'étape pour des migrants en direction du Pas-de-Calais et qui essaieront de franchir la Manche depuis la Jungle de Calais.
Le père Jean-Michel Bardet a ouvert les salles paroissiales parce qu'à Briançon on ne peut pas dormir la nuit dehors. C'est une ville à 1300 mètres d'altitude, il fait trop froid...
Face à cet afflux, l'Église locale est mobilisée, et en particulier sur la question des mineurs non accompagnés. Aujourd'hui, ce sont environ 4000 personnes par an qui franchissent les cols de haute-montagne, soit 50 personnes à accueillir chaque nuit. Parmi eux, plusieurs migrants se disant mineurs que les paroisses essaient d'accueillir au mieux. C'est notamment le cas à Briançon, une commune à une quinzaine de kilomètres de la frontière italienne. "Le père Jean-Michel Bardet a ouvert les salles paroissiales parce qu'à Briançon on ne peut pas dormir la nuit dehors. C'est une ville à 1300 mètres d'altitude, il fait trop froid...". Mgr Malle s'est aussi rendu dans un camping à Gap où les migrants sont accueillis dans des bungalows. "J'ai visité à plusieurs reprises le camping, il y avait des gens qui étaient là depuis 3, 4 ans, 5 ans, 6 ans. Sauf que ces personnes-là n'ont pas le droit de travailler. Elles tournent en rond." À Gap, une position libérale est défendue par l'Église, en contradiction avec la ligne soutenue par la place Beauveau.
Un climat de contrôle inverse à la doctrine sociale de l'Église
Les mercredi 18 et jeudi 19 juin étaient menées dans les gares parisiennes une opération massive de contrôle des sans-papiers. 4000 policiers, douaniers et militaires ont été mobilisés pour lutter contre la présence de migrants clandestins. À la gare du Nord à Paris, interrogé par les journalistes, Bruno Retailleau a scandé "Ne venez pas en France, nous n’accepterons rien, c’est la tolérance zéro." Des propos qui choquent Mgr Malle. "C'est un véritable scandale. Je ne voudrais pas que notre pays, le pays des droits de l'homme, arrive à la situation des États-Unis. Faire ça le le jour de l'appel du 18 juin, alors que dans l'appel même, il est rappelé que la France sera sauvée, et l'a été finalement, par son empire, c'est-à-dire nos colonies à l'époque. Aujourd'hui, beaucoup de ces exilés viennent de nos colonies. C'est un peu un retournement de l'histoire." Face à la volonté du ministère de l'Intérieur l'évêque appelle l'Église à "élever la voix".
Il ne s'agit pas de les faire venir, ils sont là. Il s'agit donc de les accueillir.
"Et maintenant qu'ils sont là, qu'est-ce qu'on fait ?" disait le docteur Max Juez. Des propos auxquels Mgr Malle adhère pleinement. "Il ne s'agit pas de les faire venir, ils sont là. Il s'agit donc de les accueillir." Dans les derniers mois de son pontificat, le pape François écrivait aux évêques américains les exhortant à "protéger les personnes et les familles qui vivent dans la peur ou la douleur à cause de la migration et/ou de l'expulsion". Une doctrine reprise par Léon XIV dans son homélie de Pentecôte par laquelle il appelait la place Saint-Pierre et le monde à "ouvrir les frontières" et "rejeter l'esprit d'exclusion". Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur et ministre des cultes, devra jouer de sa double casquette pour faire accepter sa politique à l'Église française.
RCF le 20 juin 2025