Les discriminations envers les pauvres pourraient être mieux reconnues
27 sept. 2013
Humiliés, méprisés, présumés incapables de prendre des décisions... Les pauvres subissent des discriminations qui doivent être sanctionnées au même titre que celles subies du fait de la race ou du sexe, a estimé jeudi la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH).
Afin "de reconnaître le préjudice subi par les personnes en situation de pauvreté", la commission recommande d'intégrer le critère de "discrimination fondée sur la précarité sociale" dans l'article 225-1 du code pénal et dans la loi du 27 mai 2008. Celle-ci considère comme une discrimination le fait de traiter différemment une personne "sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation ou identité sexuelle ou son sexe".
"Il y a urgence à alerter sur ce type de discrimination", explique à l'AFP la présidente de la CNCDH Christine Lazerges. "C'est au Parlement de réfléchir à la façon dont il faut rédiger la loi", poursuit la présidente de la CNCDH qui souhaite qu'un député ou un sénateur s'empare de cette question.
La commission, composée de 64 personnalités et représentants d’organisations issues de la société civile, dont ATD Quart-Monde, le secours catholique ou le secours populaire, s'est elle-même saisie de la question.
Le déclencheur a été le cas d'une famille défavorisée, expulsée le 26 janvier du musée d'Orsay à Paris en raison de son "odeur".
"Cette humiliation est très emblématique", déplore Geneviève de Coster, représentante d'ATD Quart-Monde à la CNCDH. La discrimination à l'égard des pauvres "n'est pas reconnue", et "c'est une telle violence pour les gens qu'ils se taisent et n'en parlent pas", regrette-t-elle.
Il y a aussi, par exemple, "les habitants de certains quartiers qui, en raison de leur seule adresse, se heurtent à des refus de paiement par chèque, des refus de livraison de colis par La Poste, des refus de visites à domicile de médecins ou de prise en charge de taxis".
Mme Lazerges cite aussi les cas de "refus d'un prêt bancaire" ou de "refus d'accepter un enfant à la cantine car un de ses parents est au chômage".
Stéréotypes
Les discours stigmatisants et les stéréotypes véhiculés par les médias et les hommes politiques sont aussi pointés du doigt et la Commission souhaite que ce nouveau critère de discrimination soit ajouté à la liste des délits de presse prévus par la loi du 29 juillet 1881.
Dans une pique adressée aux hommes politiques, la Commission "en appelle à la responsabilité des pouvoirs publics face à certains discours faisant référence à +l'assistanat social+".
En effet, la perception négative des personnes pauvres, nourrie par les discours publics évoquant la fraude sociale, "peut contribuer au fait que ces personnes renoncent à exercer leurs droits".
Et de souligner que 50% des personnes qui auraient droit à un RSA et 29% des personnes qui auraient droit à la couverture maladie universelle ne les demandent pas, selon des chiffres de l'Observatoire du non-recours aux droits et services.
Les pauvres sont "parfois victimes d'une différence de traitement par les personnels du service publics (services Pôle emploi, police, etc.)", dénonce également la Commission, visant des attitudes de "mépris ou de refus de service".
Outre l'introduction de ce nouveau critère dans la loi, la Commission souhaite la mise en place d'actions préventives afin d’œuvrer "en faveur d'un accès effectif au droit et à la justice" et se prononce notamment pour que les personnes touchées par ces discriminations puissent participer à des actions de groupe ou "class actions".
"Nous savons que ce n'est pas parce que ce critère de discrimination sera introduit que les problèmes s'évanouiront car en matière de discriminations, les poursuites sont difficiles et les condamnations rares", reconnaît la présidente de la CNCDH. "Mais ça peut donner à réfléchir" et cela permettra d'organiser des "testings".